L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Caunes-Minervois

                                                          Caunes-Minervois

 

        Je suis tiré de mon sommeil de cette manière si particulière. C’est le bout de mon nez qui commence à me chatouiller. Puis ce sont mes lèvres. J’ouvre les yeux. Son visage tout près du mien. C’est avec une mèche de ses cheveux qu’Odélie s’amuse sur les parties les plus sensibles de ma peau. Depuis combien de temps m’observe t-elle ainsi ? Mon sixième sens ne m’a pas prévenu. Son sourire est désarmant. Est-ce la même jeune fille quelque peu distante qui m’a rejoint hier ? Ou est-ce la fille au van avec laquelle je m’apprête à vivre un quatrième chapitre ? Autant de questions qui m’assaillent déjà alors qu’il n’est pas huit heures. << Bonjour monsieur ! >> fait elle. J’approche mon visage. Mon nez touche le sien. Je répond : << Bonjour mademoiselle ! >>. Nos lèvres se touchent. Je suis à présent convaincu d’être avec la fille au van. Plus de doute, c’est bien elle. << Si je ne vais pas faire pipi, c’est la catastrophe ! >> s’écrie t-elle soudain, se levant d’un bond pour courir vers la porte. J’admire le ciel d’un bleu pâle et immaculé.

 

        Je me lève pour aller sur le balcon. La fraîcheur me rappelle que nous ne sommes que le 21 mars. Odélie vient me rejoindre. Nous frissonnons en nous serrant l’un contre l’autre. C’est à mon tour d’aller aux toilettes. De l’eau sur nos visages dans la salle bain où nous revêtons nos tenues sports. Il reste deux croissants minuscules. Ils calment nos faims de loups en descendant les escaliers. Nous avons fait quelques courses hier dans le vieux Carcassonne. De quoi se préparer un bon petit déjeuner. Il faudra faire des achats plus conséquents ce matin. La cuisine est spacieuse, moderne et lumineuse. Je presse les oranges en écoutant Odélie me raconter ses rêves. Du café soluble, bien dégoutant. C’est un petit déjeuner à l’Anglo-saxonne. Pain au beurre salé, bacon, œufs poêlés. C’est copieux et nourrissant. Nous mangeons de bon appétit en faisant le programme de la journée. << Pourquoi tu étais si vilain hier ? Tu ne m’as pas pris dans tes bras une seule fois ! >> lance t-elle soudain. Je reste hébété devant cette question. Je réponds : << Je pourrais dire pareil ! >>

 

        Je comprends instantanément quand elle se lève pour venir s’assoir sur mes genoux. Décidément les filles resteront définitivement un mystère. Son attitude de hier avait donc en quelque sorte valeur de test. Mais pourquoi donc me tester ? Je retrouve l’adorable jeune fille espiègle qui confisque ma dernière tartine et qui vide mon bol. << Quoi ? >> demande t-elle innocemment. Je réponds : << Rien ! >>. Elle pose ses lèvres sur les miennes. Le bout de sa langue qui pénètre ma bouche un instant. Nous traînons à table en picorant les miettes. Odélie me fait goûter les siennes, je lui fais goûter les miennes. Oui. Tous les réflexes sont revenus. Je suis soulagé. Ma complice très certainement aussi. << J’ai bien réfléchi ! Quand je suis avec toi, il n’y a aucune raison que je rumine des problèmes existentiels aussi inutiles que ridicules. Je suis avec toi. Point barre ! >> lance t-elle en changeant de position pour s’installer à califourchon sur mes cuisses. Ses bras autour de mon cou. Je n’ai rien à rajouter à son propos. Je le partage.

 

        La vaisselle. Il faut enfiler les K-ways pour sortir. C’est au bord de la piscine que nous nous échauffons. Sauts, flexions et concours de pompes. Nous voulons passer par l’étroit portillon du jardin. Il est fermé. Il faut obligatoirement traverser la propriété puis le hall d’accueil. Séverine nous fait un immense sourire. La journée promet d’être agréable. Nous courons sur le bord de l’étroite route pour prendre à droite en direction des prés. Odélie impose un rythme soutenu. Une heure de pur plaisir. C’est avec les K-ways noués par leurs manches autour de nos tailles que nous revenons. La douche. À nouveau ensemble. En faisant les pitres sous l’eau. Il est un peu plus de dix heures. Jeans, sweats, baskets et nous voilà prêts à partir en ville. Le Centre Leclerc est en dehors de la ville neuve. En direction de Narbonne. Odélie roule. Je suis sur le siège passager. Comme il est agréable de se faire promener. Sur les routes, comme partout ailleurs, je n’ai rien de ces mâles alphas qui ne peuvent s’affirmer qu’au volant d’une voiture qui n’est souvent que le prolongement fantasmé de leur virilité. Bien au contraire. Je suis passif. J’adore être emmené…

 

        La voiture garée sur le parking. Odélie tient la liste que nous avons dressé. Je pousse le caddie. Nous parcourons les allées qui nous concernent. Mon accompagnatrice est vêtue de la même jupette noire, d’un T-shirt gris. Je suis avec le même bermuda, chemisette grise. Nos baskets. Lorsque la fille au van s’accroupît, qu’elle compare les prix, je lui rappelle que nous n’avons absolument aucun problème de budget. << C’est l’habitude, je regarde toujours les promos ! >> fait elle. J’ai un rapide aperçu sur sa culotte blanche. Elle lève la tête pour me surprendre à mâter. J’adore ce réflexe féminin. Elle resserre ses cuisses en fronçant les sourcils. Avant de les écarter à nouveau en me faisant un clin d’œil. Agitant son index d’un mouvement menaçant elle m’adresse un sourire coquin. Je lâche le charriot pour m’accroupir à ses côtés. Nos lèvres se frôlent un instant. Les joies de jadis nous envahissent inéluctablement. Il serait vain de tenter de s’y soustraire. Nous nous relevons en même temps pour continuer nos flâneries. Il est décidé de manger à la maison le midi, au restaurant le soir. Soyons pragmatiques, agissons avec méthode.

 

        Des pâtes, du riz, des patates, de la farine, des œufs, des carottes, des tomates, des avocats, des oranges, des pommes, des kiwis, un cube de levure. Un concombre. De quoi tenir trois à quatre jours. Des nems, du saumon fumé. Des escalopes de dindes, de la confiture d’églantine, du miel et une de ces énormes miches de pain complet aux noix. Du bacon. Sel, épices, ail, oignons, ciboulette. Tout ce qui figure sur la liste est dans le caddie. Odélie m’a gratifié de quelques prestations extraordinaires, accroupie à plusieurs reprises, à l’écart de tout endroit fréquenté. De regards étrangers. J’ai apprécié de la voir comparer les crèmes dentifrices, les sacs poubelles ou encore les différentes marques de boîtes de sardines riches en Oméga 3. Nous passons en caisse. << Quand tu viendras en expédition avec moi dans mon camion, c’est moi qui t’inviterai ! >> dit elle. Nos achats dans le coffre. Odélie nous conduit. Sa conduite est rassurante et sereine. J’apprécie de pouvoir admirer le paysage. Nous voilà de retour à l’hôtel. Le sourire de Séverine.

 

        Odélie se dirige vers le comptoir. La réponse à sa question est sans appel. Le van peut rester garé sur le parking jusqu’à mercredi de la semaine prochaine. Sans problème. La saison touristique ne commence qu’au début mai. Nous traversons le hall, le parterre floral et le jardin Anglais en portant nos lourds et encombrants gros sacs en papier kraft. L’inventaire des achats avant de les ranger. Pour midi ce seront des spaghettis avec des escalopes de dinde à la crème. Gruyère. Accompagnés d’une salade verte. << On a oublié la moutarde ! >> s’écrie Odélie. Nous en rions aux éclats. C’est bien le diable si nous ne croisons pas une supérette cet après-midi. Nous mangeons de bon appétit en révisant l’itinéraire de notre virée. Caunes-Minervois n’est qu’à vingt cinq kilomètres de Carcassonne. Nous ne traînons pas. À peine la vaisselle faite, les dents brossées, que nous préparons le petit sac à dos. Deux pommes, une bouteille d’eau. Des barres de céréales. Nous avons des fruits secs à profusion. Abricots, amandes et noix de cajou.

 

        Pressés de filer, nous quittons l’hôtel d’un pas précipité. Il n’est que treize heures. La température est de 22°. Le soleil règne en maître dans un ciel bleu immaculé. Point de chemtrails. C’est un plaisir. Odélie prend le volant. << Ta main ! >> lance t-elle en démarrant. Je pose ma main gauche sur sa cuisse droite. C’est émouvant. Autour de nous les prés, les fourrés et les premières verdures encore ponctuées des bruns les plus profonds. De hauts cyprès immobiles bordent la route de plus en plus sinueuse. Plus loin les premières falaises rocheuses. Parfois, je caresse la cuisse de ma conductrice qui me raconte ses voyages. Ses projets. Mon petit doigt effleure le doux coton blanc de sa culotte. Un bonheur supplémentaire. Je le bouge doucement juste à l’endroit qu’il faut. Odélie ponctue alors ses narrations de quelques : << Mmhh ! >>. Voilà le village. Nous garons la voiture sur le parking à l’entrée du bourg. Très peu de monde. Je porte le petit sac à dos. Les ruelles pavées de Caunes sont les vestiges de l’enceinte fortifiée. Il en subsiste des pans de murs entiers ou poussent les premières glycines.

 

        Il fait si doux. Il y a une petite épicerie près de l’hôtel Sicard. Pourquoi ne pas y acheter de la moutarde ! La dame, toute contente d’avoir de la visite nous fait un rapide historique de cette bâtisse construite au quatorzième siècle. L’hôtel Sicard garde tous les charmes de l’époque médiévale. Tout comme les rues du village. Nous voilà avec un petit pot de moutarde dans le sac à dos. Nous flânons en nous tenant par la main. Plein de bisous en admirant les maisons de caractère, la fontaine. La place bordée de jardinières devant la Mairie. "Place de la Révolution" indique un panonceau. Ce qui est impressionnant ce sont les deux énormes platanes. Le même panonceau les nomme "Arbres de la Révolution". Nous quittons le village pour monter à l’ermitage. Notre-Dame du Cros. La bâtisse est fermée. Dommage. Je crois bien que c’est le tout premier baiser passionné qui nous unit là. Nos mentons en sont rapidement trempés. Ça glisse et ça nous fait rire. Nos sens s’égarent dans la plus éruptive des voluptés. Je soulève Odélie pour la faire tourner, accrochée à moi.

 

        Nous prenons le sentier qui mène aux carrières de marbre. Un marbre rose réputé pour sa beauté, sa finesse et sa robustesse. Une noble matière qui défie les siècles. Les vestiges partiellement restaurés de l’Opidium Romain. On peut y monter en gravissant un escalier interminable. Partout autour de nous des falaises, la végétation sèche et des cyprès. J’ai le vertige. Depuis les remparts de l’Opidium la vue sur la plaine viticole. Là-bas, dans le lointain, le canal du midi. L’Aude. La montagne Alaric barre l’horizon. Odélie se serre contre moi en disant : << Comme on est bien ! >>. Je la prends dans mes bras. Nous nous berçons. << C’est le dernier jour de mes "petits machins" ! >> lance t-elle soudain. Je m’écarte pour la regarder en tenant ses mains. Je dis : << Mais on s’en contrefiche ! >>. Odélie me saute au cou. Je la soulève une nouvelle fois. Ses jambes enroulées autour de ma taille, accrochée à mon cou, je la promène sur les remparts en prenant garde de ne pas m’approcher du bord. Je murmure : << J’ai envie de te manger ! >>

 

        Je la dépose assise sur le muret. << Ici ? Maintenant ? >> demande t-elle en ouvrant de grands yeux. Je réponds : << Ici, et maintenant ! >>. Nous regardons partout autour de nous. Nous sommes absolument seuls. S’il devait arriver quelqu’un, nous le verrions traverser l’esplanade en contrebas. Odélie, hésitante, m’interroge du regard. Pour éviter d’inutiles tergiversations, je passe ma main sous sa jupette, le long de ses cuisses. Jusqu’à l’élastique de sa culotte. Je tire. Odélie prend appui sur ses mains pour relever ses fesses. Me permettant ainsi de retirer le bout de tissu blanc. Je caresse ses cuisses qu’elle écarte pour poser ses pieds sur le muret. Je dis : << Toi, tu es chargée de la surveillance ! >>. Elle rit et demande : << Et toi ? >>. Je ne réponds pas. J’attrape l’extrémité de la petite ficelle blanche entre le pouce et l’index. J’y donne quelques à coups. << Arrête ! >> lance t-elle alors que je me penche. Quel délice de humer les parfums de ses intimités. Un poète devra un jour inventer des mots pour décrire ces effluves. Je pose ma bouche sur son bouton de plaisir. Il est turgescent.

 

        Odélie peut s’adosser au mur derrière elle. Je joue de mes lèvres. De ma langue. Je suce. J’embrasse. Je lèche. Je suis enivré d’un bonheur sans nom. Là non plus aucun poète n’a encore trouvé les définitions les plus justes. Je cesse pour laisser reposer ma mâchoire. Odélie caresse ma tête. Passe son index sur mes sourcils, sur le bout de mon nez. Je recommence. << Tu sais ce qui t’attends ! >> s’écrie ma douce caressée entre deux instants "ventouse". En effet. Les mouvements de ses hanches, les frissons de l’intérieur de ses cuisses contre mes joues ne laissent aucun doute. Son cri est la première alerte. J’insiste alors qu’elle tente de me repousser en s’exclamant : << Attention ! >>. Je m’écarte à temps. Vraiment de justesse. J’assiste une fois encore, émerveillé, aux extases de ma comparse. Je la regarde, haletante, reprenant son souffle. Je garde mes mains sur ses genoux. Elle ouvre les yeux. Sont visage ruisselant de sueur. Des mèches de cheveux y collent. Du bout de mon index je les décolle délicatement. Son sourire merveilleux. Je vacille.

 

        << Les affaires reprennent, je vois ! >> lance ma jouisseuse en m’attrapant les mains afin que je la soulève. Elle reste accrochée à mon cou. Ses jambes à nouveau autour de mes hanches. << Je te signale que je suis entrain de mouiller l’avant de ton beau bermuda kaki ! >> dit elle. Je la pose au sol. En effet. Une tâche. Ma braguette présente la carte de la Suisse et peut-être même de l’ouest du Tyrol. Nous en rigolons comme des bossus. Odélie ramasse sa culotte qu’elle secoue avant de m’en coiffer. << Tu as un gage. Tu dois redescendre jusqu’au village comme ça ! >> s’exclame t-elle. Nous redescendons jusqu’à Caunes à moins d’un kilomètre. Là-bas, l’Abbaye du onzième siècle. Elle aussi fermée en cette saison. Dommage. C’est frustrant. Il est déjà dix huit heures trente. Les deux pommes et les barres de céréales dégustées vers seize heures n’endiguent plus la faim qui commence à faire gargouiller nos estomacs. Nous revenons à la voiture. Quel plaisir de me faire véhiculer par ma belle conductrice. Je garde sa culotte dans la poche. Confisquée.

 

        Il va être dix neuf heures quarante cinq quand nous revenons à l’hôtel. Une saine fatigue se fait sentir. La fraîcheur de la nuit nous oblige à monter nous changer. Nos jeans, nos sweats. Morts de faim nous dévalons l’escalier. L’eau de la piscine, illuminée par les lumignons, reflète les étoiles du ciel. J’y trempe la main. Il en faudrait du courage pour s’y plonger. Odélie fait pareil. Nous nous donnons nos mains mouillées pour courir vers la sortie de l’hôtel. Le sourire de Séverine derrière son comptoir d’accueil. << Elle doit sacrément se faire chier, là, huit heures par jour ! >> me fait ma complice. Nous voilà installés à notre table réservée. Le spectacle des poissons dans l’aquarium géant. Il y a un orchestre de chambre sur la petite scène. Deux filles aux violons. Un garçon au violoncelle. Un autre au piano. Tous les quatre en smokings noirs. C’est d‘une grande classe et la musique est superbe. Nous savourons des coquilles saint-jaques avec des haricots verts en sauce. Il y a de petits cubes de calmar et d'avocat qui flattent le palais. C’est un véritable délice.

 

        Il n’y a qu’une vingtaine de clients dans une salle qui peut en contenir le triple. Il y règne une ambiance feutrée et intime. D’énormes coupes glacées achèvent d’épuiser nos sens. Odélie garde sa main posée sur la mienne. Elle me murmure ses ressentis, les émotions vécues, l’immense bonheur de nous êtres retrouvés. << Tu vas me la dire quand ? >> me chuchote t-elle. Je demande : << Quoi donc ? >>. Elle murmure : << La bêtise que tu veux parfois me dire depuis bientôt un an ! >>. Je comprends l’allusion. Je me contente d’un sourire équivoque. Elle croise ses doigts entre les miens pour les serrer fort. Nous écoutons Haendel, Brahms et Mozart jusqu’à ce que nos forces nous lâchent. L’addition. C’est un peu comme des zombis que nous traversons la rue. Que nous traversons le hall. Que nous montons à l’étage de notre maison. Une rapide toilette nous demande de derniers et pénibles efforts. Tous les deux, entortillés dans nos draps, nous quittons inexorablement la réalité pour retrouver l’univers onirique d’une seconde nuit ensemble. J’ai beau essayer de rester encore un peu réveillé pour la voir s’endormir. Peine perdue…

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19/11/2024

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