L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Estelle, la jeune fille du conservatoire (Episode 4)

 
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                                         Premiers aveux. Premières confidences...

Samedi arrive beaucoup plus vite que je ne l’imagine. J’ai vu Estelle pour la dernière fois jeudi soir. Ce rendez-vous fixé pour ce samedi midi m’a fait savourer chaque instant de ces deux jours passés. Il y eut même des moments de pure euphorie. D'impatience aussi. C’est avec une acuité rare que j’ai apprécié chaque instant me séparant de cette échéance. Aujourd’hui il fait gris, le ciel est lumineux. Une certaine douceur reste toutefois des plus agréables. Je suis légèrement fébrile au volant de ma grosse berline allemande.

Je gare la voiture dans une petite rue toute proche. A l’heure. Il est midi précise quand je suis devant le Musée des Beaux-Arts. Estelle est déjà là. Mes expériences passées m'ont appris à avoir une opinion favorable des gens sachant êtres à l'heure. Une haute opinion des femmes qui savent êtres en avance à un rendez-vous. Vêtue d’un jeans, d’une veste noire cintrée à la taille, chaussée de mocassins noirs. Ses longs cheveux flottent en parfaite liberté sur ses épaules. Jusqu’au milieu de son dos. Son visage affiche la lumière des "grandes premières". Pour le vieux briscard que je suis l'émotion est à son comble. Chacun comprendra...

Lorsqu’elle me voit arriver Estelle a un sourire magnifique. Je lui tends la main et je la salue. Son visage presque juvénile est radieux. Ses yeux noisettes pétillent. La vie déborde avec exubérance de cette jeune personne. Cette perception est un enchantement. << Bonjour monsieur. Je suis vraiment contente que vous soyez venu ! >> me fait elle. Je me penche en avant sans lâcher sa main pour répondre : << Mais, chère Estelle , je n’ai qu’une parole. Et pour tout dire je suis à me réjouir depuis jeudi soir ! >>. Elle me dit encore : << Moi aussi, si vous saviez ! >>. Il y a une soudaine timidité qui semble s'emparer de la jeune fille. Un peu comme si elle regrettait cet aveux.

Estelle met un cadenas à la roue de sa bicyclette. Nous marchons jusqu'à la voiture tout en conversant. Elle s'assoit. << Mon papa possède la même auto mais en bleu nuit ! >> lance t-elle. Prenant place sur le siège conducteur je propose à Estelle d’aller dans ce bon restaurant dont je lui ai vanté les délices. J'y ai d'ailleurs réservé deux places. C'est un établissement situé en dehors de la ville. Je veux être assuré d’un endroit anonyme et discret. Loin de toute éventualité. Notre différence d’âge peut aisément me faire passer pour le père de la jeune fille. Même majeure, malgré ses dix huit ans et demi, je veux absolument la préserver de toute ambigüité.

Situé à une vingtaine de kilomètres, dans un cadre magnifique, le restaurant est une belle bâtisse ancienne. Un ancien moulin à aube dont la roue ne tourne plus depuis longtemps. Par contre le bassin est emplit de carpes roses. Ces poissons rouges qui ont la chance de pouvoir grandir et vieillir en toute quiétude. Ses murs, recouverts en grande partie de lierre, lui confèrent un caractère romantique. Cet effet encore accentué par le petit étang au bord duquel la maison a été construite. Je gare la voiture sur le parking. Estelle est enchantée par l'endroit. Elle s'approche du bassin pour admirer les poissons. Nous nous dirigeons vers l'escalier.

Une serveuse vient nous accueillir. Nous invitant à la suivre, nous marchons derrière elle. Conformément à ma demande préalable au téléphone c'est une table discrète dans un coin de la salle. Nous avons une vue magnifique sur l'étang. Nous sommes dissimulés derrière un grand arbuste exotique en pot. << C’est la première fois que je vais au restaurant avec une personne autre qu'un parent ! >> me fait la jeune fille. Je m'empresse de répondre : << Vous me voyez très flatté que ce soit avec moi ! >>. Je me rends compte à quel point l'attitude presque aristocratique d'Estelle en impose. Malgré une certaine réserve que je n'interprète à présent plus comme de la timidité.

Estelle parait toutefois très à l’aise. Son port de tête altier, ses manières, sa prestance sont emprunts de noblesse. J’en reste un peu troublé. La serveuse vient prendre la commande. Nous commençons par une entrée de crudités. Bavardant, riant à l’évocation de certains élèves et professeurs de l'école de musique. Estelle me fait part de ses préoccupations universitaires et de sa passion pour l'équitation. La bicyclette aussi. Je l’écoute avec attention. Malgré son jeune âge Estelle semble avoir une parfaite conscience des problèmes de ce monde.

<< Je suis disponible jusqu’à vingt heures ce soir ! >> me dit la jeune fille. Ne sachant quoi répondre, je fais : << J’espère que vous n’allez pas trop vous ennuyez en ma présence ! >>. Un silence. << Je ne m’ennuie jamais lorsque je peux apprendre ou acquérir de nouvelles connaissances ! >> lance la jeune fille, me fixant dans les yeux d’un air grave et sérieux. Je reste un peu déstabilisé devant tant d'aplomb. Devant cette détermination évidente. Il va me falloir être à la hauteur de la situation et des évènements à venir. On a beau faire les fiers il y a des situations où nous les hommes n’en menons pas large…

Nous bavardons durant le reste du repas. Tout en évoquant ses projets professionnels, ses intérêts pour la musique et les arts en général, Estelle ne manque pas de susciter mon intérêt à presque chaque instant de la conversation. A un moment de nos échanges, en dégustant nos plateaux de fruits de mer, la jeune fille cesse de manger. Elle lève la tête et me regarde d’un air grave. Dans ma tête défile toutes les paroles échangées. Aurais-je dis une chose qu'il ne fallait pas ? Un propos inconsidéré ? J'ai beau réfléchir tout en soutenant le regard étrangement fixe d'Estelle. Je remarque que nous avons une particularité commune. Nous ne cillons jamais des paupières.

<< Je n’ai jamais eu de relations sexuelles de quelques natures que ce soient. Et avec personne. Tout juste si un garçon, il y a un an, a tenté de m’embrasser lors d’une soirée chez Bruno ! Ce que j’ai refusé avec fermeté ! >> me fait soudainement la jeune fille. J'ai envie de m'écrier : << Mais je n'ai rien demandé ! >>. Elle a cette manière habituelle d’appuyer chaque syllabe de ses phrases. Je ne sais quoi répondre. Je préfère garder le silence. << Monsieur, vous imaginez ce que je suis obligée de surmonter comme inhibitions pour réaliser mon projet ! >> me dit elle encore, les yeux baissés. Je respecte ce long silence. Mais de quel projet pare t-elle ? Je joue le jeu.

Je la rassure : << Ne soyez pas gênée, ne soyez pas craintive. Je ne vous ai pas invité au restaurant avec une arrière pensée quelconque. Nous pouvons simplement passer cette journée à nous promener. Vous avez le mérite d’être là. Vous avez eu le courage de venir jusque là. Nous allons d'ailleurs en rester là. Soyez sans crainte, il n’y a aucun problème ! >>. Je ressens le profond soulagement qui envahit Estelle. Elle m'adresse le plus merveilleux sourire. C'est une sensation étrange que je ressens à l'instant. Comme si je m'adressais à une femme de mon âge. Je prends une fois encore conscience de la maturité de la jeune fille assise en face de moi. Une émanation de son intelligence.

Estelle, terminant son repas, me fait encore d’un ton péremptoire : << Il n’est pas question de remettre au lendemain. Mon désir d’aller au bout de mon choix est le plus fort ! >>. Je la regarde longuement. Mais de quoi parle t-elle au juste ? Décidément cette jeune personne est bien mystérieuse. Je suis admiratif. J'adore le mystère. Je la rassure en cachant mon embarras : << Vous pouvez compter sur mes compétences. Comme vous me l’avez précisé et demandé. Je serais à la hauteur de vos attentes ! >>. Un nouveau silence. Je m'entends demander : << Mais, au fait, quelles sont vos attentes ? >>. Je dois avouer que j'ai une petite idée. Je fais l'âne pour avoir du foin.

Ma question reste sans réponse. Juste un sourire mystérieux. Nous prenons le dessert. La bonne humeur est de mise. Je désamorce chaque instant de gravité par un sujet musical ou artistique. A la fin du dessert, devant un petit café, je prononce ces mots : << Nous pouvons passer cet après-midi de "cours particulier" chez moi. Nous y serons tranquilles et vous serez parfaitement à l’aise. De plus, vous saurez où j’habite ! >> La jeune fille, soudain détendue, me fait : << Superbe ! Avec plaisir. Je suis à me réjouir. Si vous saviez ! >>. Je regarde Estelle dans les yeux en frappant de ma petite cuillère la petite tasse de café. Je murmure : << Et moi donc ! >> La jeune fille me fait un sourire étrange. Quel cran ! Même le vieux briscard que je suis, qui en a pourtant vu d'autres, reste pantois devant tant de détermination.

Après l’addition nous sortons du restaurant. Je propose à Estelle de faire le tour de l’étang. Pourquoi ne pas profiter un peu du lieu. << Je suis pressée d’appendre ! >> me fait la jeune fille. Je comprends que l’important pour elle ce ne sont pas les poissons, les parterres floraux ou encore les roues à aubes. Non. L'important est de se retrouver chez moi. Nous montons dans la voiture et prenons la route de la ville. Dans la voiture le silence était presque palpable. La situation est infiniment troublante. Je roule toujours doucement. Ce qui plaît énormément à ma passagère qui chuchote : << Vous roulez comme mon père ! J'adore ! >>.

Nous arrivons chez moi vers quinze heures. << Wouah ! Vous habitez dans un manoir ! >> lance t-elle. Je réponds : << Non, c'est juste une grande demeure. Dans la tourelle c'est l'escalier en colimaçon qui monte aux étages ! Venez ! >>. Estelle ouvre de grands yeux...
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29/07/2014

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