L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Estelle, la jeune fille du conservatoire (Episode 8)

 
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                                                             De délicates révélations.

Jeudi soir. J’arrive à l'école de musique vers dix sept heures trente. Mon premier cours ne commence qu’à dix huit heures trente et pour durer une heure. Il me faut cette demi heure pour préparer les partitions et les annotations. Même si je ne fais que rendre service à mon vieil ami, je m'y applique avec tout le sérieux possible. Disposer les chaises et les pupitres par exemple. Y déposer les partitions personnalisées. Je suis concentré sur ce travail lorsque trois coups résonnent timidement frappés contre la porte. Il y a comme un soudain déclic qui s'opère en moi. Je suis certain de savoir qui se trouve derrière cette porte.

D'une voix volontairement neutre je lance : << Entrez ! >>. La porte s’ouvre. Mon sixième sens ne m'a pas trompé. C’est Estelle. Elle reste un instant devant l'huis qu'elle vient de refermer. Visiblement satisfaite de l'effet produit. La jeune fille vient vers moi pour me serrer la main. De sa voix douce et calme elle me fait part de la raison de sa visite. En martelant chaque syllabe avec cette particularité qui lui est propre, Estelle m'explique la raison de sa présence. Pourquoi elle est venue en avance.

Elle a cet air de gravité que je lui connais bien. Cherchant les mots les plus exactes et les plus précis, la jeune fille me fixe de ses yeux noisettes. Il y a toujours ce côté "dramaturgie" dans son comportement lorsque nous sommes ensemble. Pour le moment je me dis que c'est peut-être une façon de surjouer. Les jeunes filles calquent souvent leurs attitudes sur quelques héroïnes de séries télévisées pour adolescentes. Je me trompe complètement mais je ne le sais pas encore. Estelle n'est pas du genre à perdre son temps devant des séries. Finalement, je sais très peu de choses la concernant.

Elle s'adresse à moi en parlant doucement. Un peu comme si elle voulait me ménager. << Bonsoir. Je ne vous dérange pas ? Il me fallait vous voir maintenant car ce soir je dois partir immédiatement après le cours. Maman vient me chercher à dix neuf heures ! >>. Je reste silencieux. C'est un défi encore ce soir d'affronter seul sa présence troublante. D'un ton rassurant que je veux conciliant et serein, je réponds : << Non non Estelle, vous ne me dérangez pas du tout. Bonsoir. Vous avez l’air soucieuse, y a t-il quelque chose de particulier ? >>.

La jeune fille soudain souriante et détendue continue : << Je voulais avoir la certitude de pouvoir venir chez vous samedi pour quatorze heures trente. Êtes-vous toujours d’accord monsieur ? Je viendrai à bicyclette ! >>. Je la rassure. Je suis soulagé. Ce n'est qu'une considération de jeune élève. Une interrogation sans intérêt. En me levant je la prends délicatement par les épaules pour la raccompagner à la porte. Je m'exprime à voix basse. Comme pour bien marquer la complicité qui nous unit. Entrer dans les secrets d'alcôves d'une jeune fille de 18 ans et demi demande une parfaite connaissance de la psychologie féminine. De la sensibilité. Savoir écouter plutôt qu'entendre.

Je pose une main sur la poignée de la porte tout en gardant l'autre sur l'épaule d'Estelle. Je dis : << Je serais à vous attendre Estelle. Et avec une grande impatience. Ne craignez rien. Je serais disponible à chaque fois que vous me solliciterez. N’ayez aucune inquiétude. Mais restez très discrète. Retournez vite dans la salle au rez-de-chaussée avec les autres élèves qui attendent déjà. N’éveillez aucune interrogation inutile. Je resterai quelques minutes avec vous entre les deux cours si vous le désirez. À tout à l’heure ! >>.

J'ouvre la porte. Estelle reste dans l'encadrement. Elle se retourne, chuchotant presque, elle rajoute : << Lorsque je viendrai samedi, voulez-vous bien être déjà "prêt" ? M’accueillir avec l’objet de mon désir présent à ma vue ? J’en serai tellement heureuse. N’oubliez pas le thème de ce second cours ! La contrainte ! >>. Je reste sans voix. Je regarde la jeune fille disparaître au bout du couloir. Décidément, l’étudiante sait me surprendre beaucoup plus sûrement que beaucoup de femmes "d’expériences". Juste avant de tourner le coin pour dévaler les escaliers elle me fait encore un sourire désarmant.

Le cours se passe dans les toutes meilleurs conditions. Parfois quelques regards furtifs de la jeune fille trahissent son plaisir d’être présente. Elle fixe à de nombreuses reprises ma braguette avec insistance. Avec une ostentation volontairement appuyée. Comme pour me faire comprendre un message. Cette insolence m'excite considérablement. Comme elle le fait depuis quelques temps déjà Estelle observe mes réactions d'un œil scrutateur. Je sais à présent que cela fait partie de notre jeu. A la fin du cours je salue les huit élèves en leurs souhaitant un agréable week-end.

Estelle, une dernière fois, fixe ma braguette tout en remballant ses affaires. Puis, relevant les yeux pour me pénétrer de son regard perçant elle me fait un délicieux sourire. D'une voix laissant deviner une émotion tangible elle dit : << Bonsoir monsieur ! >>. Tout en prononçant ces mots la jeune fille pointe discrètement son index vers son pupitre. Estelle se joint aux autres élèves pour sortir de la salle de cours en même temps qu’eux. Elle se retourne une dernière fois. Lorsque tout le monde est reparti j’avise cette petite enveloppe bleue posée sur le pupitre. Devant la chaise occupée par ma jeune étudiante quelques minutes auparavant. Je la saisi. Je l’ouvre. Je déplie la lettre qu’elle contient.

J'en ai la tremblotte. Mes gestes sont fébriles. Je découvre des mots tressés avec une extrême délicatesse. Estelle est une étudiante brillante. Son texte en est un reflet brillant. Je ne peux en décrire la teneur car le secret de la correspondance est sacré. Son contenu est toutefois un exposé lucide des troubles, des tourments et des interrogations d’une jeune fille de dix huit ans et demi. Tout cela me rassure. Cela me donne la certitude de ne franchir aucun tabou. De part et d’autre la situation est parfaitement claire, nette et assumée. Je pousse un profond soupir. Je suis soudain comme libéré d'un poids qui oppressait ma poitrine depuis plusieurs jours. Je pourrais me mettre à chanter tellement je suis soulagé.

Le samedi peut arriver avec sérénité. Pour moi le temps passera sans doute beaucoup plus vite que celui de la jeune fille. Je l’attendrai pour quatorze heures trente. Conformément à sa demande et en respectant son souhait. Dans le coin droit du bas de la feuille que je tiens en main, Estelle a dessiné une bicyclette. Une curieuse fleur qui n'est pas sans évoquer un pénis. Je reste rêveur. La lettre à la main, pendant que les élèves du second cours prennent place. Je vais à la fenêtre. Plus personne...

Samedi sera un très grand jour. Mon cœur bat la chamade et me fait palpiter de joie...
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29/07/2014

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