L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Eyes wide shut avec Tom Cruise

                                                 Le concours hippique

 

        Je quitte Anne-Marie aux environs de dix heures ce dimanche matin. Après le petit déjeuner et une bonne douche. Nous nous retrouverons cet après-midi pour seize heures. Improvisation totale. Chacun doit apporter une idée. J’arrive chez moi pour dix heures vingt. Au salon, assis devant mon ordinateur, je découvre quelques mails. Les réponses aux courriels de fidèles lecteurs sur la messagerie privée de mon Blog occupent une partie de mon temps. Je prends toujours soin de répondre aux demandes les plus pertinentes. Ce n’est pas seulement un plaisir, c’est également très amusant. C’est un peu mon travail du dimanche matin. Mon I-phone se met à vibrer. Le visage de Virginie apparaît à l’écran. << Bonjour. Je pourrai t’apercevoir quelques secondes cet après-midi ? Tu viendras m’encourager de ta présence ? >> demande t-elle. Je la rassure. Je suis un homme de parole. Je serai quelque part dans les gradins. Chaudement vêtu car la température a baissé. Le ciel reste clair et lumineux. La température de 8°.

 

        Je suis amusé de découvrir que la jeune fille m’appelle depuis sa salle de bain. << On a de la famille à la maison. C’est le seul endroit où je peux parler tranquillement. Ma cousine occupe ma chambre. Ils veulent me voir concourir cet après-midi ! >> m’explique t-elle. << Et puis je suis chez toi mardi après-midi après quinze heures. N’oublie pas ! >> précise Virginie avant de raccrocher. À peine ai-je posé le téléphone qu’il vibre une nouvelle fois. Le visage d’Anne-Marie. << Tu es bien rentré ? >> lance t-elle. Nous bavardons un peu. Mon amie m’appelle depuis la maison de ses parents. << Je propose mon idée pour cet après-midi. On se fait un film au cinéma. Et ton idée ? >> fait elle. Je réponds : << Je n’y ai pas encore pensé. Mais ton idée est la meilleure. Et je t’invite au restau après la séance. Promis, tu seras chez toi à vingt et une heures au maximum. Je passe te prendre pour seize heures ! >>. C’est sur ces réjouissances que nous raccrochons. Il commence à faire faim. J’éteins l’ordinateur, je quitte le salon pour la cuisine. Il est onze heures quarante cinq.

 

        L’assaisonnement d’une grosse endive. Des spaghettis. Une escalope de dinde noyée à la crème fraîche. Une tonne de Parmesan. Je mange de bon appétit en envisageant le timing du reste de la journée. J’ai le pressentiment qu’elle va me réserver quelques belles surprises. Je prends mon temps. Dès la vaisselle terminée, les dents brossées, je me change. Un ensemble Levis, dont le blouson bleu, doublé de fourrure synthétique, va me protéger de la fraîcheur. Une chemise à motifs floraux bleus. Mes bottines noires. Une écharpe noire. Je prends quelques poses devant le grand miroir de la penderie. Une manie qui remonte à l’adolescence. Quelques pas de danse aussi. Le changement de température est saisissant. Il y a une quinzaine de kilomètres jusqu’au centre hippique. Je roule avec la musique de ZZ Top. La bande son idéale pour cette véritable journée d’automne. L’impressionnant nombre de voitures garées sur le parking donne une idée de l’importance de la manifestation.

 

        Virginie m’a prévenu. C’est un concours de niveau départemental. De son classement dépendra sa participation à une épreuve nationale. Des attroupements. Je traverse le parking pour prendre place dans la file. J’arrive au guichet. Je m’acquitte du billet d’entrée en me voyant octroyer la place 111. Troisième gradin à gauche. Je suis assis entre deux couples. Il va être quatorze heures trente. Bien évidemment, le vaste bâtiment n’est pas chauffé. Malgré ces conditions il semble bien qu’il n’y ait plus une seule place disponible. C’est un franc succès. La première concurrente. C’est magnifique. La seconde. Je ne pourrais pas faire partie des onze membres du jury que je vois installés derrière une longue table. Après chaque concurrente, ils lèvent un carton sur lequel figure un nombre. Entre 1 et 10. Je trouve que chacune des écuyères fait preuve d’une époustouflante virtuosité. Le saut d’obstacle exige des compétences et un prodigieux savoir faire. Virginie. Enfin. Dossard numéro 11. En numérologie ce nombre est le mien.

 

        Ce qui signifie qu’en additionnant les chiffres de ma date de naissance, les lettres de mon nom et prénom, je retrouve invariablement le 11. Quelque soit la combinaison. Je sais que cela va lui porter chance. Je me promets d’aborder ce sujet avec elle mardi prochain. Surtout si elle se classe parmi les trois premières. J’assiste à sa performance, estomaqué, sidéré. Cette frêle jeune fille, fière et droite sur sa monture, qu’elle s’offre le luxe de faire danser entre deux sauts. Faisant saluer par son cheval la foule en applaudissements. Le duo parfait. Une connivence total entre l’humain et l’animal. Quand je vois les résultats sur les cartons que lèvent les membres du jury, j’ai l’intime conviction de connaître une grande championne. C’est un tonnerre d’applaudissements. Virginie devra participer à la seconde épreuve. J’en oublie la température. De la musique imbécile et de la publicité. J’en profite pour descendre à la buvette. Il faut se frayer un passage. Jouer des coudes. Ma haute taille et ma stature aident considérablement. Un avantage dans ces situations.

 

        Les chocolats chauds en gobelets ne sont pas fameux. Pas davantage que les tranches de cakes salés aux lardons. Là-bas, probablement entourée des membres de sa famille venus la soutenir, Virginie. Mon mètre quatre vingt dix avec mes deux centimètres de talons me rendent facilement repérable. Elle m’adresse un merveilleux sourire. Je lève le pouce en signe de congratulations. Je la féliciterai mardi. C’est fou comme elle ressemble à son père. Les mêmes traits fins comme sculptés par un artiste de tout premier ordre. C’est certainement sa tante à ses côtés car la ressemblance est bluffante. J’abandonne le gobelet et le morceau de cake. Lâchement, sur le bord d’une des tables. D’avaler ça est au-dessus de mes possibilités. La voix de la présentatrice dans les hauts parleurs annonce la seconde épreuve. Je n’y assisterai pas. Il va être l’heure de retrouver Anne-Marie. Je suis frustré. J’aurais volontiers assisté à la suite. Je reste toutefois serein. L’important est d’avoir échangé un sourire avec ma championne.

 

        Il est un peu plus de seize heures quand je gare la voiture devant l’immeuble. Comme convenu, je fais le numéro d’Anne-Marie. Un SMS prévenant de mon arrivée. Je n’attends pas une minute qu’elle arrive presque en courant. Elle est vêtue d’un pantalon noir. D’une épaisse veste grise assortie à ses bottines. Son sac à main en bandoulière, tenant son écharpe blanche serrée dans sa main. Elle a ses cheveux en liberté sur ses épaules. Comme j’aime. Trois bises en s’asseyant sur le siège passager. Comme souvent, les dimanches d’automne et d’hiver, Anne-Marie consacre un peu de son temps à ses parents. Elle me raconte. Nous prenons la direction de la ville. Mon amie a une préférence pour les films anciens. C’est dans une des huit salles d’un complexe moderne. Le parking est souterrain. Eyes wide shut, (les yeux grands fermés), en version originale, avec Tom Cruise. Pour l’Écossais que je suis, un film dans ma langue natale est un plaisir supplémentaire. << J’espère que c’est sous titré parce que je ne comprends pas toujours tout ! >> me fait mon amie.

 

        C’est dimanche. Il va être seize heures quarante cinq. La salle n’est qu’à moitié pleine. Nous sommes installés tout en haut des gradins. Fauteuils hyper confortables. Nous contrôlons leurs propretés avant de nous y installer. Anne-Marie à ma gauche. Elle va être ravie, le film est sous titré. Pour moi c’est amusant car il y a souvent dichotomie entre le doublage et les paroles. Nous avons nos bâtonnets glacés. Le film commence. Remastérisé. La qualité de l’image est parfaite. L’intrigue tient en haleine. J’ai déjà vu ce long métrage deux fois. Tout ce qui est présenté là n’est que simple vérité. Étant moi-même versé et officiant dans l’occulte, je retrouve tous les rituels. Tout cela échappe au commun des mortels qui n’y voit que fantasmagories et mises en scène hollywoodiennes. Le spectateur non initié ne peut ni saisir ni comprendre ce à quoi il assiste. Tant mieux. Cela reste pour le plus grand nombre de l’ésotérisme de pacotille. S’il savait ! ! ! Hollywood ne ment jamais. Ce ne sont toujours que des réalités, des messages livrés aux foules aveugles. Tout y est vrai. Des années à l’avance…

 

        La main d’Anne-Marie cherche la mienne. Je la sens un peu inquiète. L’intrigue a de quoi interpeller. Les acteurs, confrontés à l’occulte, jouent à la perfection. Communiquant leurs émotions cinématographiques aux spectateurs. Les scènes sont intenses. Bien interprétés. Les initiés se retrouvent comme à la maison. Je ne peux en parler à mon amie. Je me promets de le faire un jour. Après tout, cela n’a aucune importance. Les attractions que j’exerce sur les femmes et ma vie de privilégié ne sont qu’une des facettes de mon allégeance à l’occulte. À quoi bon leurs dire ? Pourquoi les effrayer ? Le Diable s'habille en Prada. Elles le trouvent beau et élégant. La main droite d’Anne-Marie se pose sur ma cuisse gauche. L’accoudoir empêche l’intimité plus appuyée. Je pose ma main gauche sur sa cuisse droite. << Ça fait peur ! >> me chuchote t-elle parfois à l’oreille. Je serre légèrement mes doigts sur sa cuisse pour la rassurer. Je suis là. Et ce pauvre Diable restera invisible durant tout le film. L’homme est plus mauvais que lui. Au point de rendre ce pauvre Diable responsable de ses méfaits d’humains.

 

        La main d’Anne-Marie remonte sur ma braguette. Douces et délicates sensations dans la pénombre. Je pose mon blouson pour dissimuler ses agissements en murmurant : << Il y a probablement des caméras à infra rouges ! >>. Je peux donc déboutonner mon Levis dans la plus parfaite insouciance. Anne-Marie se retrouvant rapidement avec mon érection dans sa poigne. Érection qu’elle tient fermement. En fonction de la dramaturgie des images, je peux sentir différentes pressions. C’est amusant. Délicieusement excitant. Quelquefois, d’un mouvement furtif, je glisse ma main entre ses cuisses. Elle attrape mon poignet pour que surtout je ne cesse pas. Je préfère jouer la prudence. Le cynisme et la perfidie des caméras de surveillances pourraient nous jouer de mauvais tours. En chuchotant, durant les silences, j’explique la différence entre le sous titrage et ce qui vient d’être dit par un des acteurs. La qualité des sous titrages laisse souvent à désirer. Il peut même arriver qu’en fonction du film les sous titrages soient “orientés“.

 

         Quand sa main cesse de me tordre dans tous les sens, mon amie me confie au creux de l’oreille : << On ira voir des films d’horreurs. Avec "ça" dans la main, même pas peur ! >>. Nous en rions. Il y a quelques scènes d’un érotisme sulfureux, non censurées dans la version originale. Qu’il est agréable de les revoir en me faisant masturber doucement et secrètement. Je chuchote : << Tu as joué avec toute une partie de la nuit ! >>. Elle murmure : << Je contrôle pour être certaine de n’avoir pas rêvé ! >>. Nous rions. Le générique de fin. Les lumières vont se rallumer. Je remballe le matériel, je reboutonne avec difficulté mon jeans. Ça y est. Nous pouvons nous lever. Il va être dix neuf heures quinze. Il fait nuit. Il fait froid. La rue est déserte. C’est sinistre. Anne-Marie, serrée contre moi, accrochée à mon bras, me donne ses impressions. Mon amie pose des questions précises. Concernant des images de rituels présentés dans le film. Je fais semblant de ne pas en savoir davantage qu’elle. Les femmes ne sont pas dupes devant les mensonges des hommes.

 

        Surtout quand ces derniers mentent de façon aussi maladroite. J’élude les questions par des futilités. Ou je réponds par une autre question. Nous marchons d’un pas rapide pour redescendre au parking. Endroit lugubre. Nous voilà sur la rue en direction du grand carrefour. Les feux rouges puis verts. Une circulation fluide. À droite. Puis à gauche. Nous sortons de la ville. Le périphérique. Je sors à la zone commerciale. Il y a là un restaurant sympathique. Sans prétention. Pas grand monde le dimanche soir. Nous sommes à dix minutes de l’immeuble résidentiel où vit Anne-Marie. Dix neuf heures quarante. C’est le timing parfait. Nous prenons place dans une des deux salles. Deux grands aquariums muraux. Le ballet des poissons exotiques pour agrémenter l’endroit assez quelconque. Notre choix se porte sur des tartes flambées. Crudités en entrée. Nous mangeons de bon appétit en revenant sur le film, sur la performance des acteurs. J’ai beaucoup de mal à éviter les questions d’Anne-Marie. Elle se doute de quelque chose. Certaine que j’en sais bien davantage que ce que mes réponses loufoques voudraient faire croire.

 

        Pour tenter de détourner la conversation, je raconte le concours hippique. La virtuosité de Virginie. << On voulait y aller avec mes parents. Mon oncle et ma tante sont arrivés pour le dessert ! >> s’exclame mon amie. Si la météo le permet, mercredi prochain, nous prévoyons une randonnée. << On va essayer de faire un beau trou à l’intérieur du vieux moulin. J’ai ma petite idée ! >> propose Anne-Marie. Elle revient invariablement sur le sujet du film en demandant : << Finalement, tu crois que tout ça existe vraiment ? Qu’il y a des gens qui sont dans ces "machins" là ? >>. Je me contente de répondre : << Probablement. Il y a bien des gens dans des clubs de foot ou encore qui partouzent ! >>. Mon amie en rit aux éclat en posant sa main sur la mienne. Les coupes glacées du dessert achèvent de nous alourdir. Les cafés sont les bienvenus. L’addition. La séparation est un peu difficile dans ma voiture. Anne-Marie, sa tête contre mon épaule, sa main sur ma braguette me confie : << Je vais faire des cauchemars à cause de ce film ! >>

 

        Nous sommes sur le parking devant son immeuble. Personne. Nous faisons mille projets pour mercredi prochain. Mon institutrice se réjouit tout particulièrement pour cette journée. Les après-midi avec moi. Elle déboutonne ma braguette pour en extraire le locataire. Locataire qu’elle tient dans sa main. << Tu sais que j’aimerais en faire mon doudou. Je dors bien avec ! >> dit elle. Je demande : << Tu veux dormir avec cette nuit ? >>. Elle hésite. Finalement, jugeant préférable de surmonter sa crainte de faire des cauchemars et envisageant son lundi matin avant l’école, elle conclue : << Ne prenons pas d’habitudes. Improvisons. C’est mieux ! >>. Trois bises. Anne-Marie lâche mon érection. S’extirpe de la voiture en lançant : << Demain soir, vingt et une heure, en webcam ! >>. Je lève le pouce. Elle referme la portière. Je la regarde monter les larges marches de l’escalier, entrer dans le hall, disparaître derrière les yuccas et les palmiers. Probablement devant l’ascenseur, son ombre se projette sur les boîtes aux lettres…

 

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13/02/2025

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