L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Gloryhole - Épisode 11

                                                Juliette vient manger à la maison

 

    Je suis dans mon atelier. Confortablement installé devant mon chevalet. La peinture de ma nature morte m'absorbe complètement. Je peins dans l'introspection positive à l'idée de mon séjour en Écosse d'ici deux mois. Cette matinée du premier lundi de ce beau mois de mai m'offre son ambiance enchanteresse. Mon I-phone est posé sur la desserte à ma droite, entre les tubes de couleurs et les flacons d'huiles précieuses. Il se met soudain à vibrer. En maugréant, je m'en saisit. La voix de Juliette. Je pose la palette, les pinceaux. Je me lève pour aller devant la grande baie vitrée. Devant mes yeux, à perte de vue, le paysage de la campagne qui entoure la propriété. << J'ai repris le boulot ce matin. C'est dur. Je viens manger ce soir. C'est une nécessité Julien. Sinon je pète un plomb ! >> lance la jeune femme. C'est amusé que je lui confie être très heureux de la revoir. << Je tiens à tout préparer avec toi ! J'emmène quoi ? >> rajoute t-elle.

 

    Nous envisageons les différentes options possibles. Il n'est pas question de se lancer dans de la grande cuisine gastronomique. Tout doit rester ludique. Nous décidons d'un plat simple, facile à préparer mais obligatoirement délicieux. << Tomates farcies et coquillettes ! >> propose ma complice. Je trouve la suggestion parfaite. Juliette exige d'emmener la viande hachée. Un ami boucher qui se fournit directement chez un producteur bovin. J'ai de grosses tomates, du gruyère, des coquillettes, les épices et tout le reste. << Ça marche. À ce soir alors. Dix huit heures trente ? >> conclue la jeune femme. Je réponds : << Dix huit heures trente ! >>. Nous bavardons encore un peu avant de raccrocher. Je passe le reste de cette magnifique journée de printemps à peindre dans une sorte d'extase pas du tout mystique. Une extase où se mêlent interrogations, questionnements, érotisme et excitation. Je prends mon repas de midi dans le jardin du parc.

 

    Fébrile, vers dix huit heures, je nettoie la palette, les pinceaux. Je monte me changer. Un ample pantalon de coton blanc, une chemisette blanche, mes mocassins blancs. Dans la cuisine je prépare deux tabliers qui se nouent sur les reins. Du buffet, je sors la vaisselle et les ustensiles nécessaires. J'allais oublier l'essentiel. Je me précipite dans le hall d'entrée pour ouvrir le portail depuis l'interphone. J'apprécie les femmes qui respectent l'horaire entendu. Qui ont le tact et la courtoisie de venir à l'heure prévue. Mais lorsqu'elles arrivent avec cinq minutes d'avance, elles méritent une considération supplémentaire. Et toute mon admiration. Je sors par la véranda. Je descends les quatre marches du perron. Juliette me voit en sortant de sa grosse berline Allemande. Elle contourne le bassin pour venir me rejoindre. Vêtue avec cette élégance qui la caractérise. Une jupe brune légèrement évasée, un chemisier crème, des mocassins bruns.

 

    Elle porte un sac de papier kraft. Je descends les marches pour m'en saisir. << Bonsoir ! >> nous faisons nous en même temps. Ce qui nous amuse. J'invite ma visiteuse à me suivre. << C'est une propriété magnifique ! Vous vivez là depuis longtemps ? >> me demande t-elle. Je raconte l'histoire. Juliette m'écoute. Elle demande encore : << J'écoute avec ma déformation professionnelle. Comme j'exerce dans l'immobilier. Vous ne vendez pas des fois ? >>. Nous rions. Je réponds : << Non, je n'ai pas l'intention de vendre. Cette demeure et ses dépendances appartiennent à la famille depuis presque deux siècles. J'en suis l'hériter et le gardien ! >>. Juliette m'écoute avec intérêt. Elle se met à rire quand je précise : << Comme je n'ai pas de descendance, ce sera un sacré "boulet" à gérer !>>. Juliette enfile son tablier. Je fais de même. Elle lave les tomates devant l'évier. Je prépare le grand plat en terre cuite que je beurre. Pareil dans la poêle.

 

    Je mets les coquillettes dans quatre fois leur volume d'eau bouillante. Juliette évide les tomates avant de faire cuire la viande hachée. Je lui passe les œufs, la farine, le gruyère qu'elle mélange à la viande tout en me parlant de sa première journée de reprise. Les rendez-vous, les affaires qui s'annoncent, le personnel à gérer. Il y a quatre belles et grosses tomates à farcir. C'est comme en jouant qu'avec des petites cuillères nous remplissons les tomates de la garniture. J'égoutte les coquillettes que je verse dans le plat. Entre les tomates ainsi calées. Nous recouvrons d'une bonne couche de gruyère. << J'ai un "truc" que je tiens de ma grand-mère ! >> lance Juliette en éminçant finement un gros oignon rose, deux grosses gousses d'ail. Juliette dépose le tout sur le gruyère en précisant : << L'ail et l'oignon vont fondre durant la cuisson. Tu vas voir, c'est un must ! >>. Je mets au four électrique pour une cuisson à 250°. Pour trente cinq minutes.

 

     Nous retirons les tabliers. J'invite ma nouvelle amie à me suivre. Ce qui interroge toujours les gens qui viennent pour la première fois c'est la tourelle. Une tourelle qui confère à la grande demeure cette allure de manoir. Comme un donjon coiffé d'un "chapeau" pointu. En fait c'est l'escalier en colimaçon qui monte de la cave jusqu'au grenier. Juliette regarde par les petites fenêtres. La résonance est particulière dans cet espace tout en hauteur et en rondeur. << C'est génial ! >> s'écrie t-elle en découvrant l'architecture étonnante de la charpente. C'est surtout sa complexité qui surprend. Une surface au sol de 200 mètres carrés. Il y a là d'anciens mobiliers. Certains recouverts de housses. Certaines grises de poussière. Juliette me précède en restant admirative. Tournant sur elle-même, sautillant parfois. << Je n'ai jamais rien vu de semblable ! >> lance t-elle dans un souffle. Je montre la myriade de toiles d'araignées dans tous les recoins.

 

    Nous descendons à l'étage inférieur. Juliette est sportive. S'entraîne tous les jours. Aussi, lorsqu'elle découvre la salle d'entraînement elle reste le souffle coupé. Dans cette vaste pièce, aux dizaines de grands miroirs, il y a toutes les machines nécessaires au culturiste que je suis depuis mon adolescence. << Je comprends mieux ! >> lance mon invitée en palpant mon biceps droit. Elle prend des poses devant les miroirs, caresse les machines. << Mais c'est génial ! >> n'arrête t-elle pas de lancer. Les rangées d'haltères, les barres de différentes longueurs, le sac de sable suspendu pour mes séances de boxes. Les gants rouges qu'elle enfile en s'exclamant : << Rocky Balboa ! >>. Nous rions. Cette jeune femme, terriblement sexy, qui déambule entre mes agrès d'entraînement, suscite mon admiration. J'aime quand une belle bourgeoise, attractive, attirante et quelque peu "glamour" sait faire preuve d'humour et de dérision. C'est magnifique.

 

    Nous visitons la grande salle de bain. C'est moi qui ai fait aménager cet espace. Initialement une grande pièce inutile. Baignoire, jacuzzi, douche. << Mais on peut prendre une douche à plusieurs, c'est fou ! >> s'exclame Juliette. C'est un espace entièrement vitré. Du verre fumé. Un sol carrelé légèrement en pente. Je demande : << Tu veux prendre une douche avant le dîner ? >>. Juliette se met à rire avant de répondre : << Non je ne suis pas à plusieurs ! >>. Décidément, son esprit de dérision me ravit. Je fais découvrir la chambre. << Mais ce n'est pas une chambre à coucher, c'est une salle à coucher ! >> lance mon invitée en entrant. Le grand lit posé sur un socle qui fait penser à une scène de théâtre. Les deux grandes armoires anciennes. La table, les deux commodes, le grand coffre au ferrures médiévales. La coiffeuse. Les tentures qui entoures les deux portes fenêtres qui donnent sur un balcon. Juliette reste silencieuse. Méditative.

 

    Elle va de meuble en meuble comme de découvertes en découvertes. << Ça doit être le rêve de vivre dans cette demeure ! Tu ne t'ennuies pas tout seul ici ! C'est le rêve de n'importe quelle femme ! >>. Je m'assois dans le fauteuil à bascule alors qu'elle passe la main sur le bahut de chêne. Je propose de descendre pour aller manger. << J'ai complètement oublié. Maintenant que tu en parles j'ai faim ! >> s'écrie Juliette. Nous dévalons les escaliers. Il était temps car en arrivant dans la cuisine, résonne la sonnerie du four. Juliette se précipite. Je mets les assiettes et les couverts. Je demande : << Eau, jus de fruits ? >>. Juliette en sortant les tomates farcies odorantes, répond : << Eau ! >>. J'ouvre une bouteille en verre de la marque "Mont Roucous". C'est celle que je préfère. J'explique à Juliette étonnée que c'est la seule eau qui n'est pas pompée du sol mais recueillie à la source. Ce qui lui confère une résistivité élevée et un PH neutre. L'idéal.

 

    Nous mangeons de bon appétit. Juliette revient sur toutes les découvertes faites durant cette visite. Sa réaction de femme est parfaitement normale. Un homme vivant seul dans une grande demeure reste une énigme. Elle ose la question : << Tu préfères peut-être les mecs ? >>. Je m'empresse de la rassurer. Je suis exclusivement hétérosexuel. Je précise : << Et à 200 % ! >>. Comme soulagée, Juliette s'exclame : << Je préfère ! >>. Nous en rions de bon cœur. Nous traînons à table en bavardant. Juliette évoque son existence de femme mariée. Les négligences de son mari. En riant, Juliette précise une nouvelle fois : << Mon mari a deux femmes dans sa vie. La première est sa mère. La seconde est sa sœur. Moi je suis simplement son épouse ! >>. La façon qu'elle a de partager cette plaisanterie me fait me plier de rire. Juliette s'empresse de rajouter : << Mais je te rassure, tout cela est parfait. Je suis une femme libre ! >>. Elle me fixe.

 

    J'en éprouve un profond vertige. Un frisson. Je suis émotif. Devant un tel aveux, je suis incapable de répondre quoi que ce soit. << Tu es un gentleman Julien ! Tu ne cherches jamais à profiter d'une situation ! J'apprécie ! >> lance t-elle d'un ton presque solennel. J'ai pourtant envie de m'écrier : << Non, pas du tout, je suis un vrai vicelard ! >>. C'est comme si ma complice devinait mes pensées car elle rajoute : << Moi, ce n'est pas seulement l'intérieur de la demeure que je veux visiter. Je veux savoir ce qui se cache dans ses caves ! >>. Elle m'adresse un clin d'œil. Nous prenons le dessert au salon que je lui fais visiter. Juliette est comme subjuguée en découvrant les centaines d'ouvrages qui remplissent les étagères des deux grandes bibliothèques Victoriennes. Les meubles du même style. La grande cheminée aux pierres sculptées. Le bureau notarial. La table monastère et ses deux bancs, sa chaise seigneuriale au dossiers de cuirs frappé.

 

    << Tu as tout lu ? >> me demande t-elle en caressant le cuir des livres. << Non, penses-tu, c'était la collection de grand père puis de papa. Mais j'ai lu les grands classiques ! >>. Elle tire l'édition originale du "Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde. Je précise : << Celui-là, je l'ai lu trois fois en trente ans ! >>. J'invite la jeune femme à m'accompagner jusque dans l'atelier. Juliette pénètre dans mon antre. Peu de privilégiés pénètrent ce lieu. << L'antre de l'alchimiste ! >> s'exclame mon invitée en découvrant cette grande pièce. Les chevalets sur lesquels sèchent mes toiles récentes. << C'est toi qui peint ça ! >> s'écrie t-elle comme si elle venait de se brûler. Elle reste silencieuse, dans une attitude "religieuse". N'en croyant certainement pas ses yeux. Je ne dis rien. Je sais l'effet que produit ma peintures sur les regardants. Je suis assis à la table de l'atelier. J'allume l'ordinateur en laissant la jeune femme à ses découvertes, à ses réflexions.

 

    Je surfe un peu sur le site de l'agence de voyage où j'ai réservé une croisière d'une semaine à la mi juin. En méditerranée. Je reste là, seul, une dizaine de minutes. Juliette vient me rejoindre. Je lui propose de s'installer sur la chaise à côté de la mienne. Il va être vingt heures trente. D'ici une demi heure Juliette devra me laisser. Elle consulte son smartphone. En ouvrant ma boîte mail, parmi les spams habituels, les messages publicitaires inutiles, je trouve deux courriels. L'un deux m'avertit d'un message privé sur mon Blogue. Ce Blogue dont je donne le lien sur demande par messagerie privée, en parfaite conformité avec la déontologie des forums où je publie. Un Blogue torride, sulfureux et terriblement explicite. J'y relate, de façon romancée, toutes mes aventures. Même les plus insignifiantes. À la manière d'un "journal". C'est un endroit virtuel hautement masturbatoire. Il attire hélas de véritables "morts de faim" que je bloque.

 

    Comme je venais de poster un nouveau récit, justement intitulé << Christine découvre un Gloryhole >>, une jeune femme tente de me contacter pour me demander quelques détails supplémentaires. Il y a chaque semaine, cinq ou six demandes de contacts. Provenant le plus souvent de jeunes femmes intéressées qui me félicitent ou, plus rarement, qui voudraient "savoir" plus de choses. Je me fais toujours un devoir de répondre. Mais là, en compagnie de Juliette, je suis un peu gêné. Je ne m'attarde pas. << Julien ne me tentez pas. Je suis terriblement curieuse. Voyeuse. Et j'ai tendance à fourrer mon nez partout. Par vice ! >> dit elle en éteignant son téléphone. Je réponds : << J'adore. Rien n'est plus plaisant que vos vices ! >>. Juliette s'exclame : << Oh mais vous n'en connaissez que trois maintenant. Les randonnées en compagnie de charmants messieurs, la gourmandise et ma curiosité malsaine, maladive ! >>. Nous rions de bon cœur.

 

    Là, dans le message, c’est une "Christine" qui a déjà connu une situation semblable. Cette "Christine" se reconnait donc dans mon récit. Seulement, voilà, son expérience en Gloryhole a eu lieu dans un sauna ! Nous imaginons donc facilement la tristesse infinie de cette expérience. << Un sauna ! Avec son mari, en plus ! L'horreur ! >> s'exclame Juliette qui, penchée tout près de moi est entrain de lire. En effet, la petite curieuse ne se gêne absolument pas. J'adore. Juliette rit en lisant ce message. Aussi, je lui propose de répondre ensemble, proposant à "Christine" de venir découvrir un vrai Gloryhole ! Un Gloryhole sauvage et bien vicelard ! Un de mes Gloryholes disposés dans la nature enchanteresse et pas dans un lieu aseptisé, formaté et payant d’un sauna ! Et quoi encore ! Hélas, cette "Christine" ne vit pas dans la région. Ce qui sera très certainement rédhibitoire pour une éventuelle suite. J'admire l'expression écrite de Juliette. Je la félicite.

 

    Dès que le message est envoyé Juliette se lève. << Il faut que j'y aille. C'est frustrant Julien ! >> lance t-elle d'une voix dépitée, suivie d'un profond soupir. Nous nous sommes régalés de tomates accompagnées de coquillettes. De coupes glacées en dessert. D'un bon moment devant l'ordinateur. Juliette exige d'avoir le lien de mon Blogue. À cet effet elle me laisse son adresse mail. Je promets de le lui envoyer dès ce soir. << Je suis impatiente d'en savoir davantage sur ce parfait gentleman ! >> me fait Juliette alors que je la raccompagne à sa voiture. Il va être vingt et une heures. La jeune femme a un peu de marge. Nous n'abusons pas. << Julien, merci. J'ai passé une superbe soirée. Vous êtes un homme plein de surprises. On refait ? Ça vous dit ? >>. Je réponds : << On va s'organiser une nouvelle randonnée "trous" ! Mais je t'en prie, ne recommence pas à me vouvoyer ! >>>>. Nous en rions. << Je vous promets ! >> dit elle.

 

    Juliette rajoute : << Oh oui ! Je suis libre mercredi après-midi ! >>. S'asseyant au volant de son Audi, mon invitée rajoute : << N'oublie pas de m'envoyer le lieu de tes cochonneries. Je veux tout savoir ! >>. Elle démarre, fait demi tour, m'adresse le plus merveilleux des sourires, un petit signe de la main avant de monter le chemin jusqu'au portail. Juliette me quitte. Je suis soudain habité d'une étrange impression. Très agréable. Une étrange chaleur dans mon ventre. Seraient-ce les tomates farcies ? Je retourne dans l'atelier. Devant l'ordinateur. Je fais un copié collé d'un de mes 135 récits. Je l'inclue au courriel que j'envoie à ma nouvelle amie. Le premier épisode de mon histoire vécue avec ma compagne disparue "Christine". Accompagné du lien où Juliette pourra découvrir les suites. Une des photos prises durant notre dernière randonnée. J'envisage déjà l'itinéraire de notre prochaine virée. Mercredi, c'est dans deux jours...

 

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09/02/2024

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