L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Gloryhole - Épisode 4

                                 Rencontre équestre sur un de mes circuits "trou"

 

En ce mercredi après-midi ensoleillé de fin avril, je ressens l’impérieux besoin d’aller me dégourdir les jambes. Avec Anne-Marie nous bavardons un peu au téléphone. Elle était se promener avec une copine hier soir. Une copine avec un caniche. Anne-Marie aime m'envoyer des photos prises lors de ses balades. Elle a emmené sa copine sur un de mes parcours. Je découvre les clichés des trous qui en parsèment l'itinéraire. Bien évidemment Anne-Marie fait toujours semblant de découvrir les trous en même temps que sa partenaire de promenade. Elle me raconte alors les commentaires et les réflexions que fait cette dernière en découvrant mes magnifiques créations. Je ris en l'écoutant. Personne n'est dupe et la plupart des femmes se font bien évidemment une idée très exacte. Une fois encore Anne-Marie se promet de m'accompagner un de ces jours. Me voir à l'œuvre mais également pour assister aux réparations et aux "essais". C'est un de ses souhaits les plus pertinents. Car j'essaie toujours l'orifice une fois terminé pour en constater la parfaite fonctionnalité. Elle le sait et ça la fait rire.

 

Nous raccrochons en riant beaucoup de mes créations murales. Je promets de lui raconter ma prochaine virée "trous". Je mange de bon appétit. J'ai vraiment en projet de partir cet après-midi. Ça commence à me titiller de plus en plus fort pendant ce délicieux plat de spaghettis aux morilles. Aussi, dès la vaisselle terminée, prenant le prétexte de ce désir de randonner, je prépare mon petit sac à dos. A l’intérieur, je dispose des barres de céréales, des fruits secs, une pomme et une grande bouteille d’eau pétillante. Bien évidemment je n’oublie pas d’y placer ma petite perceuse Black & Decker, du papier à poncer et quelques accessoires. Cette fois je n'omets pas d'emmener le tube de résine synthétique. C'est le produit idéal pour boucher ou remodeler. Bien plus efficace qu'une simple pâte à bois. La résine synthétique sèche très rapidement. Un peu à la manière d'un silicone. Il fait aussi beau qu'une journée de juin. La température extérieure est de 22°. C'est extrêmement motivant. En short kaki, en chemisette hawaïenne, en grosses godasses Quechua, me voilà parti. Peinard au volant.

 

J'arrive sur le parking du restaurant. Mais mon objectif d'aujourd'hui sera l'itinéraire qui mène aux ruines du château. Je gare la Mercedes au départ du sentier. Il y a plein d’autos garé sur cet espace. Des groupes de marcheurs qui s’équipent. Qui s'apprêtent à monter les chemins. Il y a du monde sur la terrasse du restaurant du lac. Ça bouffe. Ça rigole. Ça sent le graillon. De là, je prends l’étroit petite sente qui sillonne à flancs de collines. Cette randonnée est toujours source de joies, de découvertes et de surprises agréables. Aussi, pour en égayer le parcours, j’y ai disposé mes trous. Ce sont les plus anciens. Certains vont sur leurs cinq ans d'existence. C’est en arrivant à la troisième station que je constate un premier désagrément. Quelqu’un a saboté une des plus belles créations de cet itinéraire. Là-haut, sur la colline, les ruines du château. Le Conseil Général a pour projet d'en faire un haut lieu touristique et culturel. Je ne sais pas encore en 2013 que ce sera une réussite en 2021. Étant incapable de voyager dans le temps. Mais capable de me projeter dans les visions futuristes grâce aux images.

 

C'est un des deux cabanons aménagés en abris. Il y a de grands panneaux pédagogiques expliquant la flore et la faune de ces bois. Des bancs sont disposés le long des cloisons. Une table. Mon trou est discrètement situé sous un des panneaux explicatifs. À moins de s'accroupir il est impossible de le voir. Je pose mon sac à dos sur la table du milieu. Je suis toujours attristé en découvrant une dégradation volontaire. Sans doute à l’aide d’une riveteuse, un quidam a fixé une plaque de fer sur l’orifice. Une plaque de fer sans doute galvanisée et qui condamne l’accès à ce superbe orifice. Sans doute un des plus beaux spécimens en abris forestiers que j'ai créé. Impossible de percer cet acier de qualité. Impossible d’en desceller les rivets. Sans doute le travail d’un intégriste parti en guerre contre les trous dans les murs. Quelle n’est pas ma profonde déception. J’ai choisi ce cabanon pour son emplacement stratégique au-dessus du petit lac. D'un côté le sentier. De l'autre les bancs. Les eaux mystérieuses de ce lac reflètent le bleu immaculé du ciel. C'est un haut lieu d'énergie réputé pour ses bienfaits.

 

Il y a là souvent des promeneuses ou encore quelques cavalières, écuyères curieuses. Un haras pas très loin dans la vallée. Parmi ces pratiquantes il y a parfois d'authentiques coquines. Il se dit dans la région qu'en automne la cueillette des champignons attire nombre d'esthètes, de gourmets et d'amateurs. Il y a là giroles, cèpes ou encore de magnifiques trompettes de la mort. Certains de ces cueilleurs n'hésitant pas à montrer les spécimens de leurs trouvailles. Exhibant fièrement russules, bolets ou encore chanterelles à des promeneuses esseulées. Promeneuses qui sont parfois ravies de se voir expliquer différentes recettes de dégustations. Je suis amusé par ces pensées qui me consolent quelque peu. Je suis accroupis devant la cloison. Le bougre qui a fixé cette plaque en acier galvanisé est également un artiste dans son genre. C'est rudement bien fait. Je compte les rivets qui fixent à tout jamais le carré de métal. Huit rivets d'acier.

 

Avec un tournevis que je tente de glisser entre le fer et le bois, je veux faire levier. Mauvaise idée. Si je force je casse la planche verticale. Je déteste me comporter en vandale. Hors de question d'utiliser ce système destructeur. J'essaie de forcer les rivets. Rien à faire. Il me faut donc percer tout à côté. Je ne vois pas d'autre solution. Il y a un couple de promeneurs. Je fais semblant de lire l'article consacré aux cervidés qui habitent la forêt. Nous nous saluons poliment. Ils ne font que passer. Je sors ma petite Black & Decker. Je dispose une mèche de 3 mm. Je me mets immédiatement à l’ouvrage. Une fois le premier trou d’amorce réalisé, je peux percer avec une mèche ronde de 5 cm de diamètre. Une de ces mèches "cloches" nommées également "trépan". Ces mèches qui scient tout en perçant. En quelques minutes, j’ai confectionné une belle ouverture. Un trou de toute beauté. Avec le papier de verre, je fignole une magnifique finition, chanfreinant les bords avec beaucoup de soin. Je passe mon doigt pour constater que c’est doux et lisse. Parfait. J’en éprouve de la fierté. Cette nouvelle œuvre n'a rien à envier à l'ancienne. En me donnant toute cette peine, animé de ma passion, j'ai peut-être surpassé en perfection la précédente.

 

La sonnerie à l'ancienne imitant les anciens téléphones gris. Sonnerie insolite en pleine nature. Je tire mon I-phone de ma poche. C'est Anne-Marie. Elle me raconte ses préparations. Anne-Marie est enseignante. Ses mercredis sont consacrés aux préparations de ses cours. Je lui décris ma réparation. Anne-Marie est souvent profondément affectée par mes désarrois devant les destructions de mes créations murales. Je filme lentement l'endroit de mon intervention. À gauche la plaque de métal qui masque l'ancien orifice. À droite la nouvelle ouverture. << Oh, il est magnifique. Ça donne envie de l'essayer ! >> s'écrie t-elle. Je réponds : << Attends, ne bouge pas ! >>. Je pose mon I-phone en le calant avec son rabat de cuir. À la verticale, sur la table. Je règle le retardateur sur 10 secondes. Je règle le zoom. Je cadre consciencieusement. J'ouvre la braguette boutons de mon 501. Mentalement, je prépare bien la suite. J'ai exactement dix secondes pour courir vers le coin, passer derrière la cloison et introduire mon sexe dans l'orifice. J'anticipe. Comme un sportif avant sa performance.

 

Je calcule, j'évalue. J'appuie sur le bouton chronomètre de ma montre Chopard "Alpine Eagle XL". J'effleure l'onglet bouton sur l'écran du téléphone. Je cavale en ayant la certitude de respecter mon timing. Je me mets contre la cloison. Je glisse mon sexe dans l'orifice. Les mains posées à plat sur la cloison à la hauteur de mon visage. Mon bassin serré contre les planches. Je sais que mon sexe dépasse d'une bonne dizaine de centimètres de l'autre côté. Le téléphone filme exactement une minute. Cette précipitation, cette anxiété, conjuguées au désir de bien faire, me couvrent de sueur. Hélas, ces conditions mentales et matérielles ne sont pas vraiment propices à l'érection. Mais je suis bien "membré". Ça devrait le faire. À l'image ce sera parfait. Tout à ma création je ne prête aucune attention à ce qui se passe dans les environs. C'est dans cette position que je me fais surprendre par une cavalière. Droite sur sa monture, fière et altière, elle m'adresse un sourire. Elle passe là, sur le sentier, à même pas vingt mètres. Derrière moi. Je laisse aux lectrices d'imaginer la situation. Je laisse aux lecteurs d'imaginer mon émotion. Je reste immobile. Je me sens terriblement stupide. Ma cambrure de reins. Mes genoux fléchis. Je respire mal.

 

La jeune fille doit avoir la vingtaine. Elle ne paraît pas du tout effarouchée. Peut-être une habituée des cueilleurs de champignons de l'automne. Elle n'est plus qu'à une dizaine de mètres. Passe derrière moi en ralentissant le pas de sa monture. Un magnifique cheval noir au pelage luisant. << Bonjour ! >> me fait elle d'une voix douce. Impossible de changer de position. Je me sens tellement con. De plus je sais que de l'autre côté, Anne-Marie m'attend au téléphone. La jeune fille s'arrête. Je tourne la tête au risque de me faire un torticolis pour répondre : << Bonjour ! >>. Je regarde. La cavalière est penchée sur l'encolure de sa monture. Comme si elle ajustait la sangle. Toutes sortes de pensées me traversent l'esprit. Je commence à sentir mes lombaires. Elles deviennent douloureuses. Je donnerais cher pour pouvoir me retirer du trou. Mais avec ce qui dépasse c'est impossible. Je ne veux ni choquer ni passer pour un cueilleur de champignons.

 

Certaines cavalières qui passent quelquefois sur ce sentier ont forcément découvert ma création murale. Cette ouverture se voit très bien si on regarde par là. Cette jeune fille connaît-elle l'existence de mon œuvre ? Ce qui expliquerait son attitude. Car elle donne l'impression de beaucoup s'amuser de mon inconfort. Elle ne dit rien. Le silence. Mais je sais qu'elle est derrière moi. J'entends soudain une amorce de conversation. Je tourne la tête. Ma nuque est douloureuse. La cavalière tient son téléphone. Elle bavarde certainement avec une copine. J'entends une voix nasillarde et féminine. Ouf, je suis soulagé. Elles parlent de leurs cours. De l'université. Je n'en peux plus. Mes lombaires me font trop mal. Je me retire. Je reste collé contre la cloison. Frottant mon sexe contre les planches, marchant en crabe pour pouvoir me soustraire aux regards de la jeune fille, je contourne la cloison. Ouf. Quel soulagement. Je remballe. Je prends le téléphone : << Mais qu'est-ce que tu fais ? Qu'est-ce qui se passe ? >>. C'est la voix d'Anne-Marie. Je raconte. Je l'entends rire aux éclats. << Tu fais ton satyre ! >> rajoute t-elle en pouffant.

 

J'envoie le film à Anne-Marie. Tout en découvrant le film que je viens de réaliser elle commente : << Belles images. Éminemment explicites. "Pro" ! >>. Effectivement on y voit le trou parfaitement rond et noir. Soudain mon sexe qui apparaît pour pendre lascivement. On entend : << Bonjour ! >>. On entend l'arrivée de la cavalière. Silence soudain au téléphone. << C'est qui ? Tu es avec quelqu'un ? >> me demande Anne-Marie en découvrant les trente dernières secondes du film. Je lui explique. Pliée de rire, je l'entends rigoler. << Put-hein, je viens avec toi, c'est trop bien ! Elle est encore là ? >> demande t-elle d'un ton passionné. J'écoute. Je vais voir. La jeune fille s'est éloignée d'une cinquantaine de mètres. Toujours à bavarder au téléphone, bien droite sur son cheval. Anne-Marie me pose tout un tas de questions sur cette amusante situation. Je décris le moindre détail. << Mets-là dans le trou, mais de ce côté-ci. Tu verras bien ! >> me suggère ma complice. J'hésite. L'idée n'est pas pour me déplaire car l'excitation a fait place à l'inconfort et à l'embarras. Je respire un grand coup.

 

Je m'avance. Je sors mon sexe pour le passer dans le trou. Mon cœur bat la chamade. Je le sens battre jusque dans mes tempes. J'écoute. Tous mes sens aux aguets. J'entends la jeune fille parler mais sans comprendre le moindre mot. Elle est trop loin. J'attends, fébrile et sur mes gardes cette fois. Je n'aimerais pas me faire surprendre une nouvelle fois. Quelques minutes où je me retire, où je m'introduis à nouveau. Je reproduis pour soulager mes lombaires. Soudain la voix semble se rapprocher. Je suis couvert de sueur, mort de peur. La jeune cavalière a t-elle remarqué quelque chose d'insolite ? Je l'espère et je le redoute à la fois. Elle est à nouveau à l'endroit de tout à l'heure. Elle s'apprête à raccrocher. Je retire mon sexe, trop angoissé. Le cœur palpitant. Je reste comme hébété. Je reprends ma respiration. Mon courage doit m'envahir très vite. Quelle suite donner ? Je remballe. Je range mes outils dans le sac que je remets sur le dos. Un coup de flotte. Je sors de l'abri. La jeune fille est toujours là. J'adore ces rencontres inopinées et insolites. Surtout quand le plaisir semble partagé.

 

La cavalière m'adresse un large sourire. Ne pouvant s'empêcher de regarder vers le trou avant de fixer ma braguette. Regards furtifs mais éloquents. Pas de doute, elle a vu. Elle "sait". << Une belle journée pour une balade ! >> lance t-elle en impulsant un départ aux flancs de son cheval d'un léger coup de talons. Je n'ai pas le temps de répondre, elle rajoute : << La semaine prochaine ce sont les vacances. J'espère qu'il fera beau. Je me promène tous les jours par ici ! >>. J'interprète très rapidement cette affirmation comme une invitation. Je réponds enfin : << Moi aussi j'adore me promener par là ! J'espère qu'il fera beau la semaine prochaine ! >>. Je marche à côté du cheval sur une centaine de mètres. Le temps d'échanger quelques mots. << Peut-être à la semaine prochaine alors ! >> lance la cavalière en se mettant au petit trot. Elle se retourne pour me faire un signe amical, le bras levé. Un sourire équivoque. Elle disparaît au bout du sentier. Je m'arrête. Je m'assois sur une souche. Je dois reprendre mes esprits. C'était trop d'évènements en même temps.

 

Un bon quart d'heure à grignoter ma pomme, à savourer une barre de céréales. Cette aventure restera un grand souvenir. Je continue mon circuit pour constater que tous les autres trous sont en parfait état. À part débroussailler un peu, enlever le lierre ou les orties, les orifices restent parfaitement fonctionnels. À nouveau cette fierté que procure le travail bien fait m'envahit. Ces trous sont accessibles. Invitant à l'imaginaire. Je suis de retour pour dix neuf heures. Rassuré, la conscience tranquille, heureux de ma randonnée, je prépare le repas du soir. Anne-Marie ne va pas tarder à m'appeler. Je pense à ma jeune cavalière. J'espère très fort la revoir. Je me maudis de ne pas lui avoir laissé ma carte. J'en ai toujours dans la pochette avant de mon sac à dos. Le con ! Je vais déjà m'atteler à la préparation de mon repas. Je suis mort de faim. Ça va me remettre les idées en place.

 

Votre artiste plasticien

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22/12/2023

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