La boucle des quatre heures
Une belle randonnée
Je suis réveillé par une légère démangeaison nasale. Un insecte peut-être. Je tente bien de rester endormi. En vain. Quand j’ouvre les yeux, le visage de la fille au van. C’est elle qui joue avec une mèche de ses cheveux. Qui caresse le bout de mon nez. << Bonjour ! >> dit elle d’une voix à peine audible. Son sourire est désarmant quand elle rajoute : << Je n’aime pas être réveillée toute seule ! >>. Elle avance sa bouche pour déposer un bisou sur le bout de ce nez qui semble avoir focalisé tout son intérêt. Elle se redresse pour me chevaucher. Tenant mes bras écartés. << J’ai rêvé que nous étions dans les dunes. Tu te souviens ? Alors ça ma réveillé ! >> me dit elle. Je m’en souviens très bien. Je me souviens de chaque détail. Et pour le lui signifier, je murmure : << La fille au van qui m’a séduite au delà du raisonnable dans le sable ! >>. Elle mime l’acte d’amour en imprimant un mouvement régulier de son bassin. Odélie sait que mon érection est naturelle. Matinale.
L’urgence devient critique. Mettant un terme à nos effusions de tendresse. Nous quittons les draps pour courir vers la porte. Je suis à la salle de bain à mouiller mon visage quand elle revient des toilettes en chantonnant. J’aime l’entendre improviser des paroles surréalistes sur des airs de comptines d’école maternelle. C’est à mon tour. Tous les deux, dans nos vêtements de sports, nous dévalons les escaliers. Il ne pleut pas. Le ciel est laiteux. Clair. En s’occupant du café, Odélie retourne aux dunes dont elle a rêvé. Je presse les oranges. Je pèle les kiwis alors qu’elle passe derrière moi. Ses bras sous mes aisselles. Ses mains qui descendent sur mes hanches, mes cuisses. << Tu es excitant dans ton legging tu sais ! >> dit elle. Je beurre les tranches éjectées par le grille pain. Ce matin ce sera avec du bacon et des œufs. Un petit déjeuner à l’Écossaise. Depuis le temps que je lui en fais l’article.
Nous mangeons en faisant le très vague programme de la journée. Ce qui est devenu le rituel de la fin de chacun de nos repas. Odélie, installée sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou, me confiee ses impressions. C’est un peu à la manière d’un bilan d’activités. J’apprécie ce compte rendu matinal car je partage complètement leurs descriptions. Mon esprit fonctionne en mode enregistreur. Je veux me rappeler de tout. La température extérieure est de 17°. La vaisselle. Nos pitreries habituelles devant le miroir de la salle de bain. Nous avons un commun un optimisme et la joie de vivre. Leurs constances se manifestent souvent aux moments les plus imprévus. << Nos accès de douces démences ! >> comme le souligne une fois encore ma complice. Nous sortons. Pas le moindre souffle de vent. Quelques sauts sur place. Quelques flexions.
Des pompes sur le perron. Le sol est détrempé des pluies récentes. C’est donc sur le bord de la route que nous courons. Cette fois en direction du bourg. Odélie impose un rythme soutenu. Sa silhouette devant moi qui exerce comme une fascination. Je me déplace sans faire le moindre effort. Sur le nuage que m’offre ces instants magiques. Une hypnose. Nous passons dans le bourg. Il y a le complexe sportif. Sous le préau nous pouvons pratiquer des exercices. Il y des agrès spécifiques. Difficile de garder notre sérieux quand nous sommes suspendus aux barres. Il est dix heures quarante cinq quand nous sommes de retour. Les plaisirs de la douche. Nous revêtons nos jeans. Nos sweats, nos baskets. Nous refermons le lit, la porte fenêtre. Odélie me saute au cou. Je la berce. C’est toujours troublant car cela me plonge dans des émotions sensuelles. Je n’ai pas d’autre mot pour les définir. Pourrais-je évoquer des émotions amoureuses ?
Nous dévalons les escaliers pour aller au salon. L’autre rituel. Celui de la consultation des mails. Me tournant le dos, assise sur mes cuisses, je la laisse à ses découvertes, ses lectures et ses réponses. Ma tête entre ses omoplates, mes mains caressant ses seins. << Mmhh ! C’est bon comme ça ! >> dit elle sans toutefois se laisser distraire. Elle conclue : << Interdiction d’arrêter. Obligation de le faire toute la journée ! >>. Elle éteint la machine. Se lève, change de position. À califourchon sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou, elle mitraille mon visage de bisous. La faim se fait sentir. Il va être onze heures quarante cinq. Odélie m’entraîne à la cuisine. << Aujourd’hui, restes de frigo à la Toscane ! >> lance t-elle en ouvrant le réfrigérateur. Les restes du poulet et des spaghettis vont nous régaler. Pendant qu’elle fait l’assaisonnement de la salade, je retire la viande de la carcasse pour la mettre sur les spaghettis dans la poêle.
Odélie râpe une quantité industrielle de Parmesan. Je concocte une sauce au Roquefort. Ma "râpeuse" observe ma façon de procéder. Toujours ce besoin de tout assimiler. Ce qui ne l’empêche nullement de me perturber de la plus agréable des manières. Ses lèvres dans ma nuque, une main lascive et exploratrice sur mes fesses, sur mon sexe. Il suffit de mettre les assiettes, les couverts. Et nous voilà à savourer ces fameux "restes de frigo" à la Toscane. Depuis quelques jours je vante les mérites d’une randonnée que j’ai appelé jadis "La boucle des quatre heures". C’est au départ de la maison. Odélie s’est montrée très intéressée. Alors quand je suggère de réaliser cette escapade cet après-midi, c’est une véritable éruption d’enthousiasme. Elle vient s’assoir sur mes genoux, son assiette à côté de la mienne. Avec sa fourchette elle me nourrit. Une bouchée pour moi, une bouchée pour elle. Ponctuées de bises.
Odélie se montre plus impatiente encore. Elle fait même une exception à la règle. C’est dans le lave vaisselle que nous plaçons les assiettes, les verres et les couverts. C'est dans la salle de bain du bas que nous faisons nos pitreries habituelles. Pipis. Dans le petits sacs à dos, deux pommes, des barres de céréales, la thermos de thé bouillant. La minuscule paire de jumelles. Par prudence, je n’oublie pas de rajouter deux minis parapluies. La température extérieure est de 20°. Le ciel est prometteur avec quelques premières séquences d’ensoleillement. Inutile de s’encombrer d’anoraks. Nous enfilons nos vestes de jeans. Le rituel des poses devant le miroir de la penderie du hall d’entrée. Nous donnons dans une véritable surenchère de poses plus ridicules les unes que les autres. Nous sortons. << Défense de me lâcher la main ! >> lance mon accompagnatrice alors que nous montons vers le portail.
Il n’y a qu’à traverser la route. Nous nous engageons dans le chemin forestier. Le sol pierreux est recouvert de feuilles mortes. Il suffit d’éviter les endroits boueux pour avancer dans de bonnes conditions. Odélie aime raconter ses aventures. << Ce soir on regarde tes vidéos ! >> propose t-elle. Je m’écrie : << Ah non ! Je connais mes compositions par cœur. Je les bosses des jours et des jours avant de les mettre en ligne. C'est statique et sans mouvements. S’il te plaît, on regarde les tiennes. J’aime te voir à l’écran en te sachant à côté de moi. Tu n’imagines pas un seul instant le plaisir que j’en éprouve ! >>. Elle me stoppe. Me serre contre elle. Enfonce sa langue dans ma bouche. Dans un élan synchrone, nos bas ventres se collent l’un contre l’autre. C’est un peu étourdis que nous reprenons notre marche. Nous quittons la forêt pour longer les clôtures des prés. Plus aucun bovin pour nous regarder passer. Les vaches sont à l'étable.
Plusieurs arrêts à nous embrasser. Le climat est presque doux. C’est un réel bonheur. Nous arrivons au labyrinthe rocheux. Ce sont de curieuses concrétions entre lesquelles poussent des genêts. Devenus broussailles en cette fin septembre. Il ne faut pas s ‘y perdre. << C’est un peu comme dans les dunes ! Encore les dunes ! >> lance Odélie. Certains rochers culminent à une dizaine de mètres. Comme autant de menhirs géants. Ma randonneuse grimpe sur une sorte de table naturelle. << La conférence de cet après-midi sera consacrée à une relation très spéciale entre une routarde et un artiste. Toute votre attention s’il vous plaît ! >> fait t-elle. Je la regarde, debout sur ce rocher, sa silhouette à la fois gracieuse et athlétique se détachant sur le bleu pâle du ciel. Elle imite une conférencière. << Je parle une langue inconnue sur terre ! >> dit elle avant de commencer un charabia incompréhensible. Je suis plié de rire.
Écroulé d’hilarité. J’en ai rapidement mal au ventre. C’est avec le plus grand sérieux que ma conférencière continue un salmigondis surréaliste. Ponctuant ses paroles de gestes éloquents. Tout cela dure cinq minutes. Je n’en peux plus. J’en ai les larmes aux yeux. Odélie me fait signe de me rapprocher. Je tends les bras pour la réceptionner alors qu’elle saute du rocher. Je la garde soulevée. Ses jambes enserrant ma taille. Accrochée à mon cou. << J’aime tellement te voir rire ! >> dit elle. Je la pose au sol. Nous reprenons notre promenade. Nous quittons le labyrinthe pour longer la piste cyclable. C’est l’ancienne voie ferrée. Odélie s’arrête soudain. Se place devant moi. Pose ses mains sur mes épaules. << Est-ce normal d’être aussi heureuse ? >> demande ma promeneuse avec une expression de gravité. Je ne sais quoi répondre. Elle continue : << Parce que je suis tellement heureuse avec toi ! >>. J’avoue être habité du même sentiment.
<< Dans le Sud, j’ai un "garde du corps". Dans le Nord, j’ai un "ange gardien" ! Je ne sais plus quel Dieu remercier ! >> s’exclame ma compagne de promenade. Nous nous embrassons comme des fous. Voilà la maison abandonnée de l’ancien garde barrière. On peut y entrer en franchissant un jardin envahit de ronces, d’herbes hautes. Odélie m’y emmène. En franchissant la porte à moitié arrachée, une odeur méphitique nous monte aux narines. Nous entrons dans une cuisine dévastée. Un véritable dépotoir. C’est décourageant. Inutile d’aller plus loin dans cet urbex improvisé. Nous rebroussons chemin. En contournant la maison il y a une dépendance. Un ancien garage dont les deux battants sont ouverts. Il y a un établi. Des outils encore suspendus. << J’adore les endroits glauques ! >> murmure mon amie en se serrant contre moi. Elle saute pour s’assoir sur l’établi. Elle écarte ses genoux pour m’attirer à elle.
Je masse délicatement ses cuisses alors qu’elle caresse mon visage. << Pourquoi que c’est aussi bien nous deux ? >> demande t-elle. Je reste silencieux. Elle rajoute : << Ça remet plein de trucs en question dans ma tête ! >>. Je comprends. Je sais à quoi elle fait allusion. Je ne sais quoi dire. Je ne veux absolument pas influer d’une quelconque façon sur le cours des choses. Ses tourments n’appartiennent qu’à elle. Elle seule peut tenter de les résoudre. Je me contente de l’écouter, de la regarder. Qu’elle soit sérieuse, qu’elle soit à plaisanter, cette fille me passionne tout autant. Certainement pour occulter ses interrogations, elle murmure dans un souffle : << Prends-moi, là, maintenant ! >>. Je reste interloqué. À mille lieux d’imaginer faire "ça" ici. Elle saute de l’établi. Déboutonne son jeans. Se penche pour dénouer les lacets de ses chaussures de marche. Se redresse pour retirer ses vêtements. Il ne fait pas froid. Même au contraire.
Je veux défaire mon ceinturon. << Non ! Juste la braguette ! >> s’écrie t-elle. Je ne suis pas très à l’aise en gardant mon Levis. Les boutons du 501 m’irritent facilement. Elle saute afin de s’installer sur l’établi. Nous dressons l’oreille. Aucun bruit. Je connais l’endroit. Il n’y a que de rares cyclistes à passer un peu plus haut. Et en cette fin septembre il serait d’ailleurs étonnant d’en voir un. Mon érection que j’extrais avec difficulté. Je m’avance. Je suis à la bonne hauteur. Odélie se positionne. Je n’ai plus qu’à m’immiscer. Avec précautions. Dans un gémissement ma partenaire prend appui sur ses coudes. M’observe dans mes préliminaires. Son sourire. L’expression d’extase qui métamorphose les traits de son visage. C’est bien plus confortable que dans le four des anciennes tuileries. Nous alternons les moments fougueux avec les instants plus calmes. J’ai une maîtrise totale de mes pulsions. Je sais faire durer. Mais j’admets que là, je dois redoubler d’attention.
Nous faisons l’amour dans une authentique volupté. Quelle plus agréable symphonie à mes oreilles que les gémissements que module ma complice. Parfois, un vol de corbeaux vociférants passe au-dessus de la bâtisse en bois. Ce sont les seules sources d’inquiétudes. Des instants qui nous surprennent. Nous tirant de la communion extatique qui nous unit. La position est idéale pour ma comparse. Par contre, de rester debout, peut-être depuis près d’une demi heure, me rappelle que mes lombaires ne sont plus celles d’un garçon de vingt ans. Je n’ai d’autres alternatives que de me cambrer légèrement sur mes genoux fléchis. Odélie s’écrie soudain : << Attention ! >>. Depuis un petit moment je constate qu’elle ne contrôle plus trop ce qui se passe. J’anticipe. Je sais ce qui se prépare. Dans un cri, elle se lâche. J’évite de justesse.
Je suis une fois encore impressionné par le déroulement de cet évènement extraordinaire. Agitée de spasmes ma jouisseuse reprend doucement ses esprits. << Tu me rends folle ! >> s’écrie t-elle. Je comprends sa gêne. Je la rassure en disant : << Tu as de la chance de pouvoir aller si loin dans l'abstraction ! >>. Elle s’apprête à sauter du meuble. Je l’en empêche. Penché en avant, mes mains saisissant ses chevilles, je la bascule en arrière. Je pose ma bouche sur son clitoris. << Non ! >> s’exclame t-elle. Elle tente de me repousser. Peine perdue. << Mais t’es fou, ça me gêne ! Je suis toute mouillée ! >> rajoute t-elle. Rien à faire, je veux me régaler. Elle saisit ma tête. Je saisis ses poignets. Cela ne dure pas. Peut-être quelques minutes. Ce second tour de manège est fatal. Dans un nouvel hurlement, Odélie est inondée d’un indicible plaisir. Inondée est le mot le plus approprié. Cette fois je cesse. Mes lombaires me torturent. J’aide ma complice à redescendre. Elle s’habille en disant à plusieurs reprises : << J’ai honte ! >>. Je la rassure. Accroupi, je lace sa chaussure droite. Elle lace la gauche.
Nous quittons l’endroit. Le ciel est à présent entièrement bleu. C’est comme une récompense supplémentaire. Nous arrivons aux Dolmens. C’est un autre étrange alignement naturel. Nouvelle occasion de nous amuser. Ma randonneuse me saute au cou pour s’écrier : << Mais comme je suis bien avec toi ! Tout le temps ! Je n’ai jamais l’esprit encombré de soucis ! >>. Nous nous embrassons passionnément. Nous longeons le ruisseau. Il va être dix huit heures. La fraîcheur de la fin d’après-midi commence à se faire sentir. Nous accélérons le pas. En veste de jeans, cela devient limite. Il est dix neuf heures quand nous revenons à la maison. Morts de faim. Nous allons faire simple. Odélie fait l’assaisonnement d’un concombre. Je beurre de longues tranches de pain. Beurre, filets d’anchois, Edam. Au four préchauffé. Nous mangeons de bon appétit en revenant sur nos aventures de l’après-midi.
La fatigue se faisant sentir. La petite vaisselle est rapide. Nous passons au salon. Vautrés dans le canapé, ce sont les vidéos de la fille au van sur l’écran géant du téléviseur. Ma complice manipule la télécommande. Joue avec sa gourmette qu’elle oriente pour la faire briller à la lueur de la grosse bougie à notre gauche, posée sur le guéridon. << Merci Willy ! >> murmure t-elle en me la montrant. << Et toi ? Tu ne t’emmènes jamais au bout quand on fait l’amour ! Pourquoi ? >> me demande t-elle. Comment expliquer ma façon de fonctionner ? Je me promets de trouver les mots. Comme hier, Odélie s’endort contre moi. Comme hier j’éteins l’appareil. Je la soulève pour l’emmener à l’étage. Une rapide toilette avant la douceur des draps. Comme des zombis. En "mode automatique". Dans mes bras, cherchant ma chaleur, ma complice me confie ses dernières émotions de la journée. Je cois bien que le sommeil nous gagne dans la plus parfaite osmose car je ne me souviens plus de rien...
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