La rivière
La rivière
J'ouvre les yeux. Mon horloge biologique fonctionne. Il est aux environs de huit heures. Odélie dort encore à poings fermés. Là, toute proche, la fille au van. C'est à la fois insolite, surréaliste et terriblement émouvant. Couchée sur le dos. Le tête sur l'oreiller, j'entends sa respiration régulière. Je ne bouge pas. J'ai été le chevalier de sa nuit, je serai le serviteur de son réveil. Très certainement son sixième sens. La jeune fille plisse ses paupières avant d'ouvrir les yeux. Le réflexe de se tourner pour venir se lover contre moi. Je suis submergé d'émotion. << J'ai bien dormi ! >> murmure t-elle en passant une cuisse sous mes fesses, l'autre sur ma tumescence. Elle se frotte doucement contre ma hanche en chuchotant : << J'aime les endroits sensuels où tu m'emmènes. Je vais y perdre la raison ! >>
L'idée de faire monter le petit déjeuner dans la chambre est la bonne. Je téléphone à la réception pendant qu'Odélie est aux toilettes. Je l'entends chantonner à la salle de bain. Nous voilà en tenues de running. Trois coups contre la porte. Le groom pousse le chariot. Dessus, le jus d'oranges, des kiwis, des tranches de pain grillé. Beurre, miel, confiture. Odélie, assise en face de moi, nous prenons le petit déjeuner en revenant sur nos aventures de ces derniers jours. << On s'est vu lundi. On s'est revus mardi, et tous les jours jusqu'à aujourd'hui samedi. C'est étrange ce que réserve la fatalité ! >> lance Odélie en venant terminer sa tartine au miel assise sur mes cuisses. J'écoute beaucoup plus que je ne parle. Je n'arrive même pas à appréhender tout ce qui arrive depuis cinq jours. De toute façon, cela m'échappe complètement.
Nous traînons un peu à table. J'ai les lèvres sucrées et collantes à cause des bises qu'y dépose Odélie. J'apprécie sa présence, sa personnalité et son humeur égale. Pas une fille à se prendre la tête. Dynamique et décidée elle est motivante. On a envie d'aller au bout du monde avec elle. Une force, une puissance émanent de sa personne. Mais également la sincérité et l'honnêteté. Je la devine autoritaire. Femme Alpha. La température extérieure est déjà de 28° alors qu'il est à peine neuf heures. En sortant de la suite, nous poussons le chariot pour le laisser dans le couloir. Dans l'ascenseur, Odélie passe ses main sur ma poitrine, mes abdominaux pour les poser sur mes fesses. << Tu es sexy toi dans ton petit short et ton T-shirt. Tu vas à la "gay-pride" ? >>. Sa bouche se pose sur la mienne.
Quand l'ascenseur arrive dans le hall, c'est un couple de séniors qui nous surprend à nous embrasser. Enlacés. Nos mentons trempés de nos salives, conséquences de nos baisers passionnés. La jeune femme de l'accueil me jette un étrange regard. Quelques mouvements d'échauffement derrière l'hôtel. À l'ombre. Nous courons à droite de la piste cyclable, jusqu'au port. Odélie impulse un rythme soutenu. Souvent derrière sa silhouette athlétique, j'admire sa foulée, sa façon gracieuse de mouvoir son corps dans l'espace. Puis c'est elle qui passe à l'arrière. Plus rarement nous pouvons courir côte à côte. Retour à l'hôtel pour dix heures. Odélie m'entraîne sous la douche. Nous la prenons ensemble en riant. En faisant les clowns. J'ai la soudaine impression de connaître la fille au van depuis toujours.
Alors que je la rince, Odélie se retourne soudain. Avec un air grave, elle me dit : << Tu sais pourquoi on fait les pitres ? C'est parce qu'on a peur. C'est pour nous donner de la contenance. Il ne faut surtout pas qu'on s'attache ! >>. À ces mots, je sors de la douche en faisant : << Bon, adieu alors ! >>. Toute mouillée, comme moi, elle se précipite pour me rattraper et me ramener sous l'eau. Nous nous essuyons. Odélie porte une jupette beige. Un T-shirt blanc. Je porte un short beige, un T-shirt blanc. Devant le grand miroir de l'armoire, nous prenons des pauses ridicules en nous amusant comme des fous. Accroupie, ses bras autour de ma jambe, sa tête contre ma hanche, Odélie écarte ses cuisses. J'ai une décharge électrique qui parcourt mon dos, secouant ma carcasse.
Son regard suggestif, par en-dessous, espiègle et mutine, elle me fixe dans le reflet du miroir. << Je suis bien avec toi ! >> dit elle. Je m'accroupis. Je fais : << Moi aussi je suis bien avec toi. Mais il ne faut pas qu'on s'attache ! >>. Nous éclatons de rire. Nous relevant en même temps, nous préparons le contenu de nos petits sacs à dos. Les maillots de bain. Odélie veut me faire découvrir un endroit particulier. À quelques kilomètres à l'intérieur des terres. Il faut aller jusqu'à la chapelle puis continuer en longeant la forêt. Mais cette fois nous prendrons la voiture pour gagner une demi heure jusqu'aux dunes. La circulation est dense. Nous voulions gagner du temps alors que nous en perdons dans les embouteillages. Je gare l'auto sur le parking de la plage. Enfin. C'est noir de monde. Partout.
Nos sacs sur le dos, nous traversons la route pour nous engager dans les dunes. Arrivés au sommet de la cote, nous prenons la direction de la chapelle. Parfois Odélie prend ma main. Pour ponctuer une affirmation. Pour me faire part d'une idée soudaine. Moi, je suis bien trop heureux. Je me laisse emmener comme un gamin qui part en vacances. L'énergie positive de ma complice d'aventures m'emplit d'une sorte de sérénité. Nous entrons dans la chapelle. Nous retrouvons le cadre gothique, la fraîcheur et l'endroit de notre troisième rencontre il y a trois jours. << J'ai l'impression que ça fait des semaines ! >> lance Odélie en passant ses bras autour de mon cou. Elle me dépose un rapide bisou sur la bouche. << Il commence à faire faim ! >> s'écrie t-elle. Nous quittons pour prendre le chemin.
Il faut longer les champs de maïs. Une demi heure de marche le long d'une rivière parfois torrentueuse. J'écoute Odélie me raconter d'amusantes anecdotes de ses voyages en van. Belle nomade que j'ai l'immense privilège d'accompagner aujourd'hui encore. Des arrêts bisous. Des arrêts pour admirer cet endroit désert. C'est étrange qu'il n'y ait personne. << Les gens viennent en vacances au bord de la mer. Ils se moquent de ce qu'il y a de l'autre côté ! >> dit ma complice. << C'est là, regarde ! >> rajoute t-elle. De toute beauté. Ce bruit que nous entendions depuis une dizaine de minutes. C'est la cascade qui tombe dans un bassin naturel. Tout ici respire la sérénité. << Je suis certaine que ce lieu est un vortex. Et on s'emplit d'énergie ici. Si ! Tu vas voir ! >> s'exclame mon guide.
Il y a des rochers. Je n'ai qu'à suivre Odélie qui semble bien connaître l'endroit. Il faut grimper. Là, une terrasse naturelle. Nous y étalons une serviette de bain. Pour y déposer les tupperwares contenant les salades, les deux baguettes de pain, le bacon au délicieux fumet, le gouda, les brugnons, les pêches. Tout ce qui me restait à l'hôtel. Assis en tailleur, l'un en face de l'autre, nous préparons les sandwichs. Nous mangeons de bon appétit dans un environnement d'un romantisme fou. Le bruit que fait la cascade nous oblige à parler plus fort. Après ce succulent repas. Odélie s'allonge sur le dos. Elle retire ses baskets. Sa tête posée sur ma cuisse. Je l'écoute. Elle a tant d'histoires à partager. Je caresse sa tête. J'avoue ne plus toujours écouter le sens des phrases, mais de me laisser bercer par la musique des mots. << Tu écoutes ce que je dis parfois ? >> s'écrie t-elle. Tout confus, surpris à rêver, je me confonds d'excuses.
<< Je n'excuse plus, je donne des gages ! >> lance t-elle. << Viens t'allonger à côté de moi ! >> rajoute t-elle. Nous prenons les petits sacs à dos comme coussins. Nous pouvons y poser nos têtes. Au-dessus de nous l'azur d'un ciel sans nuages. Pas un souffle de vent. Nous sommes à l'ombre d"un feuillage dense. Odélie se tourne pour poser sa tête sur ma poitrine. << J'aime comme tu m'as aimé hier après-midi et cette nuit à l'hôtel ! >> murmure t-elle. Je pose ma main sur sa hanche. Doucement je glisse sous sa jupe. Je joue avec l'élastique de sa culotte. << Si ça dérange il faut l'enlever ! >> dit elle. Je m'exécute. Odélie se remet sur le dos, laissant l'extrémité de mes doigts frôler son intimité. << Mmhh, c'est bon ça ! >> murmure t-elle. Elle s'installe confortablement. Moi aussi.
Je me mets au-dessus de ma comparse. Je reste en appui sur mes bras afin de ne pas peser de tout mon poids. Je me penche pour déposer des bises sur son front, sur le bout de son nez, sur ses lèvres. Mon érection, encore contenue dans mes vêtements, contre le sexe d'Odélie. Nous les pressons l'un contre l'autre. Doucement, je descends mon visage. Je lèche l'extrémité de ses seins. Ses gémissements en musique de fond. J'aime titiller l'intérieur de son nombril du bout de la langue. Cela la chatouille. Elle rit. En appui sur les coudes, sur les genoux, j'écarte ses cuisses avec la tête avant de fourrer mon visage contre son intimité. Ses odeurs m'enchantent. Du bout de ma langue je fouille les plis et les replis des lèvres de sa vulve. Odélie se touche. Ma langue l'explore. Ses gémissements.
Quand je pose mes lèvres sur son clitoris, elle cesse de jouer avec pour me permettre de le sucer. C'est enivrant. J'en ai des vertiges. Les frissons de l'intérieur de ses cuisses contre mes joues. Le léger mouvement de ses hanches, de son bassin. Odélie cherche la meilleure position. Elle caresse ma tête. Saisit parfois mes oreilles comme pour me guider. Entre deux gémissements, entre deux râles de bonheur, ma complice émet des propos amphigouriques. Je ne dis rien, la bouche pleine, je tente de comprendre. Quand je me retire pour laisser reposer ma mâchoire, Odélie se redresse en murmurant : << Tu vas me rendre folle ! >>. Elle se met à rire en voyant le bas de mon visage trempé de sa mouille. J'y retourne alors qu'elle veut m'essuyer avec un mouchoir en papier. Je retourne me régaler.
Quand Odélie se cambre soudain, poussant un premier cri, je me retire. Son orgasme la fait hurler. Heureusement la cascade est assourdissante. Même s'il y avait des promeneurs, ils ne pourraient ni nous voir, ni nous entendre. Deux spasmes secouent le corps d'Odélie. Elle m'attire contre elle. C'est là que je veux la surprendre. Je me positionne. En appui sur mes bras, je la pénètre avec d'infinies précautions. Elle ouvre de grands yeux. Elle me regarde avec étonnement. Elle ferme les yeux. Comme pour savourer l'instant. Je reste immobile. Odélie est belle. Je dépose des bises sur son front. Je me positionne sur les coudes. Nous sommes en sueur. Il serait désagréable de subir le contact de nos épidermes trempés. Si je reste ainsi, en appui sur mes bras, sur mes coudes, tout est parfait.
Par contractions des muscles fessiers, je fais bouger mon sexe dans celui de ma partenaire. Odélie ouvre les yeux pour me fixer. Ses yeux noirs qui reflètent l'environnement et mon visage. Nous alternons les lents mouvements de berceuse et les moments d'immobilité. Odélie me raconte son programme de demain, dimanche. Elle reprendra sa vie nomade après le repas de midi. << J'ai trois cent bornes à faire ! Je peux te raconter mon périple par mails. Par WatsApp ? Tu préfères Instagram ? >> propose ma compagne d'aventures. J'ai une préférence pour les courriels. Elle rajoute : << Je t'écris tous les soirs avant de me coucher ! Même crevée ! >>. Il est décidé que nous passerons tout le temps restant ensemble. Elle me laissera demain matin pour aller faire ses préparatifs.
Nous faisons l'amour. C'est d'une sensualité inexplicable. Nous tentons de ralentir chaque seconde. Odélie s'offre un second orgasme. Blottie contre moi je l'entends reprendre une respiration normale. Son cœur a lui aussi repris un rythme normal. Odélie se redresse. << Viens, on va se baigner ! >> lance t-elle en saisissant ma main. Nous voilà nus. Le temps de revêtir nos maillots de bain. Nous observons partout autour de nous. Personne. Nous descendons les rochers avec prudence. Il faut s'adapter à la fraîcheur surprenant de l'eau. Y pénétrer doucement en nous mouillant préalablement. Il faut nager immédiatement car nos pieds ne touchent plus le fond. Les sensations sont rapidement extraordinaires. Le bassin naturel dessine un ovale. Peut-être vingt mètres sur une trentaine.
Odélie a accroché ses cheveux au-dessus de sa tête. J'adore sa nuque. La racine de ses cheveux. Ces petits détails infimes agissent sur ma libido avec force. Nous tournons en rond en nageant doucement, côte à côte. Nous nous rapprochons de la cascade. Elle tombe avec violence d'une hauteur d'environs cinq mètres. On découvre qu'il y a un vide entre les rochers et le large rideau d'eau. On passe derrière. Il y a une grotte. C'est un escalier formé par la roche qui nous donne la possibilité de sortir de l'eau. De nous retrouver de l'autre côté. Il fait sombre. C'est une cavité qui paraît profonde. Une étrange odeur d'humus, de cave ou de souterrain. << C'est dommage. Si on ne partait pas demain on reviendrait avec les lampes ! >> lance Odélie. Elle rajoute : << On reviendra un jour ! >>
Nous retournons nager. Je propose d'aller préparer ses affaires ce soir, avant de revenir manger au restaurant de l'hôtel. Nous pourrons ainsi rester ensemble jusqu'à son départ demain en début d'après-midi. << C'est une bonne idée. Je n'ai pas grand chose à préparer. Remplir les bidons de flotte et des trucs comme ça ! >> lance Odélie. Nous sortons de l'eau. Couchés au soleil pour sécher. Notre plateau rocheux est l'endroit idéal. Il va être dix huit heures. Nous nous habillons. Les trois kilomètres du retour prennent un temps fou. Les voitures roulent au pas. La climatisation permet de ne pas souffrir de la chaleur. Nous allons directement au parc à vans. Il y a Maël qui nous accueille. Nous le remercions encore pour hier. De nous avoir emmené sur l'île, d'être revenu nous chercher.
Il y a une chaleur infernale dans le van. Je regarde l'espace réduit. Le lit, le coin cuisine. Des fils électriques. Tout est bien rangé. J'ai soudain le cœur qui se serre à la pensée que c'est dans ce véhicule qu'Odélie passe de son temps. Un choix de vie que j'admire. Il faut du courage. Elle n'en manque pas. Je l'aide à remplir les jerricanes, les bidons. L'eau des sanitaires du parc. << Voilà, tout est près pour demain. Départ à quatorze heures. Et lundi matin je suis à la cueillette des fruits en Espagne dès huit heures ! >>. Je pose mes mains sur ses hanches. Je dis : << Tu m'emmènes avec toi ? >>. Son sourire est soudain plein de compassion quand elle répond : << Je ne pars pas en vacances tu sais. Je vais bosser ! >>. Je comprends. Nous évoquons encore une fois Banyuls. Nous nous y retrouverons dans trois semaines. Pour quelques jours. Une belle échéance.
Il est huit heures. Nous sommes installés à une des tables du restaurent gastronomique. Devant des plats de fruits de mer que nous savourons en revenant sur nos aventures de l'après-midi. Qu'il est agréable de rester attablés devant la grande baie vitrée. Le crépuscule qui précède une nuit sans lune. Une fois dans notre suite, Odélie m'entraîne dans la salle de bain. Juste une rapide toilette en faisant les clowns devant le miroir de la salle de bain. La climatisation de l'hôtel permet d'agréables températures. Nous voilà couchés. L'un contre l'autre. Silencieux. À caresser nos mains, nos bras. Le désir revient subrepticement dans nos corps qui s'enflamment à nouveau. Odélie vit un nouvel enchantement paradisiaque sous les douceurs de ma bouche. Elle se lâche rapidement dans de profonds soupirs de bonheur. << Et toi ? >> me demande t-elle. Je réponds : << Moi ça va ! >>. J'aime la sentir rire contre moi. Nous sombrons dans le sommeil.
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