La séparation
La séparation
Nous nous réveillons quasiment en même temps. Alors qu’il n’est pas huit heures. Odélie, tout contre moi, silencieuse. Je passe mon bras autour de ses épaules. Je ne dis rien. Ses pieds bougent doucement et en rythme contre les miens. << Je me suis levée tôt pour aller aux toilettes. Il était cinq heures. Tu m’as entendu ? >> demande t-elle. En effet, dans une semi conscience j’ai cru percevoir des mouvements. << J’ai mes petits machins ! >> rajoute t-elle. Je glisse ma main sous son T-shirt pour caresser son ventre. << Docteur William ! >> fait elle encore dans un souffle. De petits mouvements circulaires. Je descends jusqu’à la toison pubienne. Je me redresse pour changer de position. Je pose ma bouche sur son sein gauche. Au travers du fin coton je souffle de l’air chaud. Je fais pareil sur son sein droit. << Mmhh ! Bonjour docteur. Je suis heureuse de retrouver vos bons soins ! >> murmure t-elle.
Ma patiente glisse elle aussi sa main sous mon T-shirt. Mais c’est pour descendre dans mon slip. Mon érection naturelle a déjà disparu. << Oh ! C’est cassé ? >> s’exclame t-elle. Odélie ne ressent pas le même impétueux besoin de vider sa vessie. Elle y était de bonne heure. Cette envie devient ingérable. J’arrête tout pour me lever. Pour me précipiter vers la porte. Quelle n’est pas ma surprise. À peine suis-je debout au-dessus de la cuvette que la porte s’ouvre sur ma droite. << Ça te la coupe hein ! >> lance ma visiteuse. Quand je me mets à rire dans cette situation j’en mets vite n’importe où. Aussi, anticipant les risques encourus, ma délicieuse coquine saisit mon sexe. Serrée contre moi, son bras libre autour de ma taille, elle guide les jets. Visant juste. Sa tête contre mon épaule elle observe comme je le fais. Elle secoue les dernières gouttes. Une érection naissante impose d’insister. << C’est rigolo ! >> dit elle en s’accroupissant.
Je suis soudain sur mes gardes. Comme craintif. Je me sens extrêmement vulnérable. Sa bouche se referme sur ma turgescence revenue. Je me tiens au mur, penché au-dessus de la cuvette. Juste avant de perdre l’équilibre. Ce damné vertige n’est pas la cause d’une autre altitude que celle où me projette ma surprenante amie. Elle cesse tout aussi soudainement pour se redresser. << Un fantasme ! >> lance t-elle. Sans me lâcher. C’est par ma virilité qu’elle m’entraîne. Me tirant des toilettes pour m’emmener à la salle bain. Je dis : << Tu fais fort ce matin ! >>. Odélie me fait un merveilleux sourire dans le miroir. Nous nous mettons de l’eau sur les visages. Il a été décidé hier qu’il n’y aurait pas de jogging ni d’entraînement pour cette dernière matinée ensemble. C’est en T-shirts et slips de nuit que nous dévalons les escaliers. La météo a bien changé. Le ciel est gris et bas. Je m’inquiète de l’état de ma complice. Elle me rassure. `
<< Juste quelques contractions désagréables ! >> confie t-elle en préparant le café. Odélie m’avoue ne plus avoir trouvé le sommeil. D’être restée à rêvasser, à faire le bilan de notre histoire extraordinaire. En pressant les oranges, en pelant les kiwis, j’écoute. Je veux saisir le sens de chaque mot dans toute sa signification. Odélie reste très rarement dans l’écume des choses lorsqu’elle évoque notre relation. Je passe à l'arrière de son dos pour passer mes bras autour de sa taille. Pour l’écouter. Mes lèvres dans sa nuque. Je caresse son ventre. << Tu fais comme un homme dont la compagne serait enceinte ! >> dit elle en saisissant mes poignets. Elle se retourne pour rajouter : << C’est beau ! Ça me ramène aux fondamentaux de ma féminité ! >>. Nous prenons notre petit déjeuner en dissertant sur ces dix jours passés ensemble. Ma douce amie en décrit la manière dont ses souvenirs s’inscriront dans sa mémoire.
Il ne sera probablement pas possible de nous voir pour les fêtes de fin d’année. << Je vais consacrer beaucoup de temps à ma famille. Je les néglige depuis mes incessants voyages. Et puis il y aura mon garde du corps ! >> explique t-elle. Par contre, durant nos randonnées, nous avons envisagé la possibilité de nous revoir au printemps. Dans le Sud. De passer dix jours dans le pays Cathare est encore un projet floue. Nous nous promettons d’y donner forme par courriels. Ce ne sera hélas que par mails que nous garderons le contact. Et comme je sais quelle ne visite ses messageries qu’avec parcimonie, je suggère de laisser un petit mot sur sa chaîne Youtube pour l’informer d’un courriel. Odélie vient s’installer sur mes genoux. S’emparant de ma dernière tartine pour la tremper dans mon bol. J’adore quand elle pose ses lèvres collantes et sucrées sur les miennes. Qu’elle glisse sa langue une petite seconde dans ma bouche.
Nous traînons à table. Il est passionnant de définir ensemble les différentes stratégies d’avenir. De passer plusieurs mois sans nous revoir va situer les choses. Nous avons tous les deux quelqu’un dans nos vies. Quelqu’un à qui nous tenons. Notre extraordinaire histoire vient s’inscrire en filigrane sur nos existences. Des parenthèses secrètes. Nous avons conscience de flirter avec le danger des sentiments. C’est même parfois comme des funambules sans balancier. Au-dessus d’un abîme de sentiments aussi divers que la culpabilité, la démence, le bonheur ou encore le chagrin. Comment ne pas être malheureux lorsqu’un chapitre arrive à sa finalité ? Aucun être humain ne sortirait indemne d’une telle épreuve. Il faut à chaque fois des jours pour s’en remettre. Et pourtant, peut-être un peu masochistes, nous récidivons. << C’est tellement beau ensemble ! >> répète à plusieurs reprises ma confidente. Nous partageons très exactement le même ressenti. Nous avons le même recul sur les évènements que nous créons.
Et malgré l’intelligence, malgré la réflexion, l’échéance qui s’annonce pour la troisième fois nous paraît monstrueuse. << Je me suis promise, en prenant la décision de cette vie nomade, de ne plus jamais souffrir à cause de quelqu’un ! >> lance Odélie. Je dis : << Je te présente toutes mes excuses pour t’avoir entrainé dans cette aventure ! Vraiment. J’en suis sincèrement désolé ! >>. La fille au van se lève, change de position. À califourchon sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou, elle répond : << Je pourrais te dire exactement la même chose. Nous avons tous les deux la même part de responsabilité ! >>. Nous nous regardons longuement, dans un silence solennel. La vaisselle. Nous remontons. Une bonne douche ne rafraichit pas seulement nos corps mais également nos esprits. Nous revêtons nos jeans, nos chemises à carreaux. Nos baskets. Dans la chambre, la valise grande ouverte sur le lit.
Elle tire ses vêtements de l’armoire. Je les garde bien pliés pour les poser dans les compartiments. Elle revient une fois encore sur sa détestation du train. L’idée d’y passer sept heures cet après-midi l’indispose vraiment. Il faut redescendre à la cave, dans la buanderie, récupérer son linge sec. Le cœur n’est plus aux vocalises en dévalant les escaliers en colimaçon. En vidant le sèche linge, Odélie me confie le désarroi qui l’envahit. << C’est ça qui fait mal dans notre histoire. Ces séparations. Je ne sais pas si je le supporterai une quatrième fois tu sais ! >>. Elle se précipite dans mes bras en étouffant un sanglot. Je culpabilise. Je me sens coupable des pires crimes. Je voudrai disparaître, être anéanti, me dissoudre dans un néant purificateur. Une larme coule sur ma joue. Cette fois, je n’ai pas envie de la cacher. Nous nous regardons, les yeux humides. << On est cons ! On se fait ce put-hein de pays Cathare l’année prochaine. Tant pis ! >> s’écrie t-elle.
Nous rions. Je la soulève. Le rire d’abord nerveux, devient fou rire. Nous nous embrassons avec une passion étourdissante. << Si je n’avais pas mes petits machins, je te demanderai de me prendre là, sur le béton du sol ! >> s’écrie t-elle. Je réponds : << C’est vrai qu’on est cons. On ferait mieux de penser au mois d’avril de l’an prochain ! >>. En disant cela, je déboutonne son jeans. Je la soulève alors qu’elle s’exclame : << Qu’est-ce que tu fais ? >>. Je la soulève pour l’assoir sur la grande table de bois qui sert à plier les draps. Elle m’observe, comme effarée. Je tire sur son jeans. Sur sa culotte. Lorsque ses vêtements sont sur ses chevilles, je défais le lacet d’une seule de ses baskets avant de l’enlever. Je peux retirer le jeans et le sous vêtement. Je tire le tabouret. Je le place devant la table. Je m’y assois. Odélie se rapproche du bord. Je pose mes mains sur ses cuisses. Je distingue la petite ficelle blanche dans la broussaille.
Ma bouche sur son clitoris, caressant son ventre, je lui offre la meilleure thérapie anti stress qui existe. Odélie saisit mes oreilles. Comme elle le fait à chaque fois. Comme pour me guider, me restreindre. Tempérer ma fougue. Parce que ma fougue, aujourd’hui, est la catharsis nécessaire pour occulter les phases de chagrin à celles des joies qui se succèdent en moi. Odélie prend appui sur ses coudes. Je suis aux premières loges de ce concerto pour une voix. La cantatrice module sa partition en ponctuant ses phrasées mélodieux de falsettos lascifs. J’aime jouer avec la ficelle. Donner de légers à coups. Redoublant d’activités linguales et labiales qui inspirent ma chanteuse. La buanderie résonne des plus belles mélodies. Je suis tour à tour le capitaine Haddock, Tryphon Tournesol ou encore Tintin en écoutant la Castafiore interpréter le fameux Rossignol Milanais. Moulinsart en conservera longtemps les échos.
L’interprétation arrive à la Coda. Dans un véritable hurlement mon artiste livre un final grandiose. Je sais comment cela se passe. En chef d’orchestre virtuose et attentif, je me retire juste à temps. Je ne pourrai jamais m’habituer à l’impétuosité de ce jet anarchique. Propulsé cette fois encore à plusieurs mètres. C’est prodigieux. J’ai envie d’applaudir. Odélie, reprenant ses esprits, toute gênée, me fait : << Mais tu as vu l’état dans lequel tu me mets ! J’ai un train à prendre moi ! >>. Je guette l’instant d’inattention pour poser ma bouche sur son intimité. Trop tard pour m'en empêcher. C’est bien plus net et propre qu’avec un mouchoir en papier. << Ça me gêne ! >> s’écrie ma victime. Je me lève. Je l’aide à remonter ses vêtements. Elle rit aux éclats en me regardant passer la serpillère. << Tu me fous la honte ! >> lance ma complice. Nous remontons avec le linge. La valise est prête. Un petit tour à la salle de bain pour récupérer toutes ses affaires. Nous redescendons avec la valise, le sac de sport.
Je propose de mettre le tout dans le coffre de la voiture. Il va être onze heures quarante cinq. Nous traversons le jardin. La fraîcheur contraste fortement avec la douceur des jours précédents. Odélie me saute au cou. << C’est génial nous deux ! On est stupide de s’empoisonner l’esprit avec des questions à la con. Laissons le destin organiser notre avenir ! >> lance t-elle. Les premières gouttes de pluie lorsque je sors l’auto du garage. Nous rentrons en courant. Ma préparatrice s’occupe de la mayonnaise des avocats. Je fais bouillir l’eau des coquillettes. Je fais rissoler deux belles escalopes de dinde. Je concocte une sauce au Roquefort. Il faut que ce soit consistant, bourratif pour ma voyageuse. Nous savourons ce repas en revenant sur ma passion du cunnilingus. Je précise que je ne peux pratiquer qu’avec beaucoup de sentiment pour la victime de mes caresses buccales. << Ça veut dire que tu en as pour moi alors ! >> s’exclame ma complice de délices.
Nous traînons à table. Installée sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou, Odélie révise son programme de l’après-midi. Ses horaires, son itinéraire. Son papa qui viendra la chercher à la gare ce soir. Nous partageons soudain une sensation commune. Une étrange sérénité nous envahit. Un étrange calme intérieur. Nous avons la certitude que cette troisième séparation sera beaucoup moins pénible. Après quelques heures difficiles sans doute. Nous ne cherchons pas à analyser, à savoir pourquoi. Mais c’est extrêmement rassurant. Odélie me montre sa gourmette en disant : << Je vais la porter tous les jours, tout le temps, jusqu’au pays Cathare. Tu me l’enlèveras dans le château de Montségur pour la poser sur une pierre ! >>. Je trouve cette idée émouvante. << C’est un pacte qui nous lie jusqu’à ce jour d'avril ! >> conclue t-elle. Je propose de laisser la vaisselle, je m’en occuperai au retour.
Odélie insiste : << Non on a commencé ensemble, on termine ensemble ! >>. Nous nous en acquittons dans une ambiance festive. Plus aucune angoisse. Nous nous sentons étrangement légers. Midi cinquante. Il faut anticiper tout impondérable. Le brossage des dents. Les dernières grimaces devant le miroir. Je place soigneusement la brosse à dent toute neuve utilisée par la fille au van dans un tube rigide réservé à cet usage en disant : << Je l’emmène dans le Sud l’année prochaine ! >>. Nous en rions de bon cœur. Nous dévalons les escaliers. C’est sous la pluie que nous prenons la route. Vingt cinq kilomètres jusqu’à la gare. Douze minutes d’avance. Sur le quai No 4, entourés d’autres voyageurs en partance, nous restons serrés. Nous attirons bien évidemment des regards. Non, je ne suis pas le papa de la fille qui est dans mes bras. << Défendu d’être triste ! >> murmure Odélie. Je réponds : << Défendu d’être triste ! >>
Le train entre en gare. Mon cœur s’effondre. Je pourrais m’évanouir. Le tranchant de la lame. Odélie a soudain le visage le plus triste que je lui ai vu. Un bisou, bref et instantané sur mes lèvres. Elle me tourne le dos. Je sais que ce n'est pas pour me fuir, mais pour fuir l'instant. Elle monte dans le wagon. Derrière la vitre, debout, les mains en appui sur la fenêtre, alors que le train bouge, ma voyageuse mime des baisers. Elle agite sa main. Le train accélère. Tout s’achève. Je pourrais me coucher au sol. Je suis soudain épuisé. Accablé. Je ne veux pas retourner à la maison tout de suite. Il pleut. C’est sous le parapluie que je refais les pas que nous avons fait en ville ensemble, il y a neuf jours…
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