L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Le départ

                                                         Le départ

 

        Il va être huit heures. j'entends le carillon de la chapelle du port. La porte fenêtre du balcon étant ouverte. Je reste immobile. J'ai peur de réveiller Odélie. Elle est couchée sur le dos, sa tête entre son oreiller et le mien. C'est son profil qu'elle me présente. Je regarde comme un voyeur ayant peur d'être surpris. Les lèvres de sa bouche entrouvertes, sa respiration est régulière. J'aimerais que le temps s'arrête. Je me sens privilégié. Est-ce son sixième sens ? En poussant un léger gémissement, se tournant, elle vient appuyer sa joue contre mon épaule. Odélie sort du sommeil lentement. Elle ouvre les yeux. Je ferme rapidement les miens. Je fais semblant de dormir. << Bonjour Julien ! >> murmure t-elle dans un souffle. Pas dupe de ma mise en scène, elle passe son index le long de mon nez.

 

        J'ouvre les yeux. Comme elle est belle. Une véritable émotion me submerge. J'ai un mal fou à la dissimuler. Elle caresse mes lèvres. << Tu as bien dormi ? >> demande t-elle. Je ne sais pas quoi faire de mes mains. J'ai tellement envie de la serrer contre moi. De me serrer contre elle. C'est fou ce qu'une relation nouvelle, qui n'a que quelques jours, peut transformer une existence. Je chuchote : << Bonjour mademoiselle. J'aime dormir près de vous ! >>. Odélie se tourne, se met à plat ventre, joue avec mes cheveux. Elle reste silencieuse avec un sourire énigmatique. Une expression de bien être illumine ses traits. << Pipi, sinon je fais au lit ! >> s'écrie t-elle en se levant d'un bond. Comme propulsée par ressort. Elle se précipite vers la porte des toilettes. J'attrape mon téléphone. Assis dans le lit.

 

        Je fais monter notre petit déjeuner. Odélie vient me rejoindre. Elle passe un T-shirt. C'est à mon tour d'aller aux toilettes. Je la rejoins sur le balcon. Le ciel est voilé mais lumineux. La température extérieure est déjà de 26°. Nous admirons les environs. Là-bas, l'animation qui règne sur les quais du port. Ce grand voilier blanc qui revient à terre. Les amateurs de pêche qui s'apprêtent à partir dans leurs petites embarcations. Trois coups frappés à la porte. Je vais accueillir le groom. Il pousse le chariot au milieu de la grande pièce. Il est surpris par l'apparition de la jeune fille. Une expression où se mêle admiration et interrogation. Odélie lui adresse un magnifique sourire en le remerciant. Je glisse un billet dans la main du jeune homme qui s'empresse de s'en aller. Pain grillé, Jus d'oranges pressées. Et ces petites brioches rajoutées le dimanche.

 

        Odélie passe ses bras autour de mon cou. Je veux parler. Elle pose ses lèvres sur les miennes pour m'en empêcher. << Le petit déjeuner au lit ! Un rêve ! >> fait elle en m'entraînant pour me faire tomber sur les draps. Elle retourne au chariot pour l'emmener, le plateau au-dessus du lit. Elle plonge sur la couette pour s'installer, assise à côté de moi. Nous prenons notre petit déjeuner en revenant sur notre aventure à la rivière. En revenant sur notre agréable soirée au restaurant. En revenant sur les douces folies qui s'en sont suivies. C'est notre dernier jour ensemble. Je ne peux chasser l'étrange sentiment qui commence à m'envahir de façon sournoise. Odélie repousse le chariot. Elle s'allonge sur le dos. Je m'allonge à ses cotés, sur le ventre. Elle chantonne. Caresse mon visage.

 

        D'un commun accord, il n'y aura pas de jogging aujourd'hui. Odélie m'attire sur elle. Je reste en appui sur mes bras. Nous mitraillons nos visages de bises. Je me mets en position. Je descends lentement pour m'arrêter sur son ventre. Elle ne porte que son long T-shirt. Je fourre mon visage entre ses cuisses qu'elle écarte pour me permettre le meilleur accès. Un gémissement alors qu'elle s'installe au mieux. Je savoure cet instant. << J'aime ce que tu me fais ! >> murmure t-elle en posant ses mains sur ma tête. Je prends un plaisir sensuel à prodiguer cette indicible caresse qui la submerge de bonheur. Les frissons qui agitent l'intérieur de ses cuisses contre mes joues participent de la joie intense qui me submerge également. Nos doigts se croisent. Ma position n'est pas très confortable. Contractions dans la nuque. Je surmonte.

 

        Nous perdons tous les deux toutes notions de temps. Toute la matinée nous appartient. << Viens ! >> murmure Odélie en me forçant à cesser. Je m'introduis avec d'infinies précautions. Nous restons immobiles à nous fixer. Ses yeux noirs, perçants, plongent au plus profond de mon être. Nous nous berçons doucement. Nous cessons pour recommencer. Nous ne faisons pas seulement l'amour. Ce qui se passe semble se dérouler sur un plan supérieur. Je me retire pour retourner à ma dégustation. << Tu me rends folle ! >> lance t-elle dans un souffle. Se lâchant soudain complètement. Ses cuisses qui se resserrent sur mes joues. Un premier spasme secoue tout son corps. C'est merveilleux. Je ne veux pas en perdre la moindre goutte. Odélie, haletante, reprend sa respiration.

 

        Elle me repousse délicatement. Elle sait que j'aime l'emmener pour un second tour de manège. Avec un coin du drap ma complice essuie le bas de mon visage trempé. Nous rions. Je pose délicatement ma main sur son intimité. Elle saisit mon poignet pour que surtout je ne la retire pas. Nous restons longuement à reprendre nos esprits. << Et toi ? >> me demande t-elle une fois encore. Je devine son questionnement. Aussi j'anticipe en expliquant : << Moi ? Ça va ! Ne te pose pas trop de questions sur mon fonctionnement. Quand je m'occupe de toi, c'est un orgasme permanent. C'est tellement intense ! >>. Comme rassurée, dans un gémissement de satisfaction, elle se love contre moi. Comme c'est bon. Je propose la douche. Une balade sur le port. Le restaurant de l'hôtel, à midi.

 

        << Viens ! >> s'écrie t-elle en se levant. Elle m'attrape par la main pour m'entraîner à la salle de bain. Je suggère le jacuzzi. Nous pouvons nous y installer à deux. Odélie s'amuse à changer la puissance des bulles, des jets. J'adore la voir tourner sur elle-même dans l'eau. Son corps athlétique épouse les formes du bassin. Assise en tailleur, de l'eau jusqu'aux seins, elle pose ses mains sur mes cuisses. Odélie approche son visage comme pour me dire quelque chose sur le ton du secret. Mais je ne m'y attends pas du tout. Elle enfonce soudain sa langue dans ma bouche. Ce baiser passionné et fougueux est responsable de l'érection presque immédiate qui s'en suit. Mon sexe dépasse de la surface de l'eau tel le périscope d'un sous-marin. Je le trouve même un tantinet ridicule.

 

        Odélie cesse de m'embrasser. Elle descend sa tête pour gober ma turgescence. Sous le coup de la surprise, tout mon corps se cambre. Rapidement, sous l'enchantement paradisiaque de l'indicible caresse, je me détends totalement. Je caresse sa tête en redoublant de tendresse. Je me penche pour murmurer ; << Là, tu me donnes le coup de grâce. Comment veux-tu que je survive à notre séparation cet après-midi ! >>. En gloussant, Odélie continue sans répondre. Je me laisse complètement aller. Je contrôle toujours parfaitement mon sexe mais là, cette fois, c'est bien plus difficile. Et je n'en ai nulle envie. Je m'écrie : << Attention ! >>. Je veux me retirer mais avec un élan décidé, ma compagne d'aventure m'en empêche. Je me lâche en poussant un cri. Je meurs un peu plus...

 

        << On est quitte ! >> termine par me dire Odélie en passant ses bras autour de mon cou. Ses lèvres se posent sur les miennes. J'ai envie de hurler mon bonheur. Odélie coupe l'arrivée des bulles. Juste encore la douce sensation des jets puissants sous l'eau. << On va se promener sur les quais ? >> s'exclame ma complice. Nous sortons de l'eau pour nous essuyer. Odélie porte une jupette claire. Un T-shirt blanc, ses baskets. Je suis en short et T-shirt, baskets. Dans l'ascenseur Odélie me tient par les mains. Nous faisons les clowns devant les grands miroirs. Je réserve une table pour midi à l'accueil. Nous quittons l'hôtel. Il y a un monde fou sur le port. La criée des pêcheurs mais aussi les plaisanciers. Main dans la main, nous flânons. Je veux enregistrer chaque seconde tout au fond de moi. Graver chaque instant dans ma psyché.

 

        Attablés devant la grande baie vitrée, nous dégustons du homard fumé avec un confis de petits légumes de saison. Un régal. Un délice. J'écoute Odélie me parler de ce qui l'attend une fois arrivée en Andalousie. C'est étrange. Mon cœur se serre souvent dans ma poitrine. Je fais des efforts désespérés pour n'en rien montrer. Mais, comment pourrais-je cacher ce qui me tourmente. Odélie est bien trop perspicace. Avant le dessert, je tente de trouver les mots. D'un élan de son bras, Odélie pose sa main sur ma bouche : << Comment vas-tu éviter de dire des bêtises quand je ne serais plus là pour t'en empêcher ? >> lance t-elle. Nous en rions. Elle rajoute : << Dans tes courriels je ne veux trouver aucune bêtise ! >>. Je comprends ce qu'elle sous entend. Amusant mais perturbant. Frustrant même...

 

        Il va être treize heures trente. Nous quittons le restaurant. Nous montons dans la suite pour récupérer les affaires de ma compagne d'aventures. Dans l'ascenseur qui descend au parking, Odélie se cale contre moi. La gravité de son expression me fait soudain peur. << Il ne faut pas qu'on s'attache. Ça fait toujours mal ! >> dit elle en martelant volontairement chaque syllabe. Son regard me perce alors jusqu'à l'âme. Je demande : << Pourquoi on a toujours mal après ? >>. Odélie hausse les épaules en m'entraînant hors de l'ascenseur. Il y a trois kilomètres jusqu'au parc à vans. Odélie, ses pieds posés sur le tableau de bord me confie cette épreuve qu'elle redoute. Trois cent kilomètres à parcourir. << Demain matin je bosse à huit heures ! Ça va être dur ! >> précise t-elle.

 

        Je gare la voiture sur le parking. C'est Maël qui est dans la guérite de l'accueil. Il nous fait un grand sourire. Odélie ne lâche pas ma main. Elle m'entraîne entre les campings cars, les caravanes et les vans. Jusqu'au sien. Elle pose son sac sur la banquette passager. Passe ses bras autour de mon cou. Je plonge mes yeux dans les siens. J'essaie de traduire par le regard tout ce qu'il m'est interdit de dire. Bien évidemment Odélie lit en moi comme dans un livre ouvert. << Je te fais un courriel ce soir, quand je serai arrivée. Je te raconte tout ! >> dit elle. Elle me lâche pour s'installer au volant. Elle rajoute : << Tu penseras à moi parfois ? >>. Je réponds par une question : << Parfois ? Mais... >>. Une nouvelle fois Odélie pose sa main sur ma bouche en concluant : << Tu seras sage, tu promets ? >>

 

        Elle démarre. Je m'installe sur le siège passager en disant : << Emmène-moi avec toi ! Je serai sage ! >>. Odélie s'arrête à l'accueil. Maël actionne le mécanisme qui lève la barrière. Ma conductrice s'arrête devant l'entrée du parking. Elle se penche comme pour m'empêcher de sortir du véhicule. Je dis : << Il ne faut pas qu'on s'attache ! >>. Odéle s'écrie : << Nous deux, on va vivre de belles aventures. Je reviens dans trois semaines. Je te tiens informé ! >>. Elle me lâche. Je veux mettre fin à cette torture. Je saute du van. Je me retourne. Nous échangeons un dernier coucou, agitant nos mains. Me voilà seul. Mais d'une solitude douloureuse. Affreuse. La dolence, cette expression plaintive de la douleur, me gagne inexorablement. Je démarre. Je retourne à l'hôtel. Une torture.

 

        Je ne traîne pas. Je récupère ma valise, mon sac de sport. Je regarde l'endroit. Ce n'est pas la première fois que je vis cette situation. Je peux sentir la lame pénétrer mon cœur. Son acier froid. Ça va être terrible. Je dois me faire violence. Quitter le plus rapidement ce lieu au risque qu'il ne devienne un enfer. Dans l'ascenseur, c'est une véritable angoisse. Je salue la jeune femme de l'accueil. Un être humain à qui je voudrais tout raconter, soulager ma nostalgie de l'heure précédente. Des jours précédents. Je m'en garde. Je roule doucement. Je passe devant les dunes. Je ne dois pas regarder. Je ne dois pas m'arrêter. J'ai moi aussi quatre cent kilomètres à parcourir. Je ne suis pas pressé. J'ai un plan B. Si je veux partager mon voyage en deux étapes, rien ne s'y oppose. Il suffit de trouver un petit hôtel de campagne. C'est parti.

 

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11/06/2024

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