Le Loch Ness
Fort William
Le carré de ciel bleu au-dessus du lit. Nous avions omis de fermer les persiennes hier. La luminosité nous tire du sommeil. En regardant son téléphone Odélie s’exclame : << Oh punaise ! Sept heures ! >>. C’est un peu dur d’êtres réveillés ainsi. Aussi tôt. Il faudra y penser ce soir avant de dormir. Le lit est confortable. Nous découvrons véritablement l’espace intérieur du camping car. Tout en longueur. Là-bas, la cabine de pilotage. Juste derrière le siège conducteur, le coin salon. La table et la banquette en angle. Le coin cuisine sur la gauche. L’évier, la gazinière. Le buffet qui les surmonte. L’espace sanitaire à droite, derrière la paroi aux vitres laiteuses. Le parquet fait de fines lamelles de véritable chêne. Le plafond blanc. Les luminaires. Le second carré de ciel bleu au-dessus du coin salon. Odélie, tout contre moi, me dit : << C’est un camion comme ça qu’il me faudrait pour aller à l’autre bout du monde ! >>. Je réponds : << Tu m’emmènerais avec toi ? >>. Il ne fait encore que 20° dans le véhicule. Ma touriste se lève la première pour courir aux toilettes.
Je me lève pour peler les kiwis, presser les oranges. Dans le buffet à deux portes il y a tout le nécessaire. Assiettes, couverts, bols, verres, saladier, poêle, casserole. Quand ma compagne d’aventure me rejoint, c’est pour passer ses bras autour de ma taille. Contre mon dos pour me dire : << Comme c’est bien tous les deux. Cette fois ce sera dans un nouvel univers pour moi ! >>. Je la laisse préparer le café pour aller aux toilettes à mon tour. L’intérieur de notre camping car est lumineux. << Une ambiance très sciences fiction ! >> exprime Odélie. On ne pouvait pas trouver meilleure formule. L’odeur du café envahit l’habitacle. J’ouvre la porte latérale pour aérer. Nous prenons le petit déjeuner en revenant sur notre balade à Stirling, hier. Nous quitterons la ville ce matin en direction de Fort William. À quelques 55 miles, 90 km. Il est tôt ce samedi matin. Sur son téléphone Odélie note les achats qu’il faudra faire. Nous avons de quoi survivre jusqu’à demain. Il faudra pain, brioche, bacon, fromages. Et des bonnes choses. J'ai ramené du riz, des pâtes et des biscuits secs.
Ma compagne de vacances retrouve ses réflexes. Assise sur mes genoux, elle dérobe la moitié de ma dernière tartine et le reste de mon café. Elle me raconte ses changements d’avions pour rejoindre l’Écosse. Barcelone Paris. Paris Londres. Londres Édimbourg. J’avais envoyé les billets deux semaines à l’avance. << Tu as vu ? Comme une grande, toute seule. Mille six cent cinquante bornes ! >> lance t-elle en changeant de position pour s’installer à califourchon. Ses bras autour de mon cou. Nous ne portons que nos T-shirts de nuit. C’est donc extrêmement agréable. Je dis : << Tu es une fille hyper démerde ! Avec ta vie de bourlingueuse, c’était juste une simple formalité ! >>. Elle explique : << Le plus dur c’était d’organiser le côté vie privée. Tu comprends ce que cela sous entend ! >>. Évidemment que je comprends. Elle rajoute : << Et toi, tu as rusé comment ? >>. Nous rions de bon cœur. Je fais : << Je suis un homme libre. Pas indépendant façon "cul cul la praline. Non ! Libre ! Je n’ai de compte à rendre à personne ! Je ne le supporterais plus ! Et depuis longtemps ! >>
La vaisselle. En nous brossant les dents nous étudions la configuration du coin douche. Nous aurons bientôt l’occasion d’en découvrir la fonctionnalité. Nous revêtons nos tenues sports. Un couple prend son petit déjeuner à côté de son camping car. L’échange d’un sourire avant de quitter la camp park au petit trot. Je présente le badge à la dame de l’accueil. Hier, en revenant de la ville nous avons fait le repérage de notre jogging. Il y a un terrain de golf avec un petit lac. Nous courons sur le chemin qui en fait les tours. Deux fois. Un peu moins d’une heure avec nos exercices abdominaux. << On prend la douche dans les sanitaires. Ça économise la flotte ! >> propose mon athlète. Sagesse d’esprit toute féminine. Nous récupérons nos trousses et nos serviettes. << Mais ensemble ! >> précise t-elle en m’empêchant d’aller dans une autre cabine que la sienne. Il y a d’autres personnes. Promiscuité désobligeante qu’il suffit tout simplement d'occulter. C’est tellement agréable de retrouver tous nos réflexes. De retrouver notre petit monde à nous.
Odélie porte une de ses jupettes et un T-shirt. Je suis en short et T-shirt. Nos sandalettes. Il n’est que neuf heures quarante et déjà 25°. C’est parti pour de nouvelles aventures. Le passage à l’accueil où je rends le badge. << C’est con cette distance entre les sièges. Je ne peux même pas te toucher ! >> lance ma passagère alors que nous laissons Stirling et son château derrière nous. Odélie ne sait pas encore l’extraordinaire qui l’attend. Les premières montagnes des Highlands font leurs apparitions. Nous entrons dans la vallée encaissée des Glen Coe. C’est un spectacle grandiose. Inoubliable. Hallucinant. Entourés de toutes parts par de hauts sommets, sans un arbre, la végétation offrant toutes les déclinaisons des verts, nous avançons à vitesse réduite. La circulation est encore fluide à cette heure. Cette route est une des plus fréquentées d’Écosse. On le comprend aisément. Odélie reste silencieuse en filmant. Tout est hors normes. Gigantesque et lunaire. Là-bas, dans le vallon, une maison isolée. Image insolite de carte postale. Le ciel est d’un bleu d’azur.
Les distances se comptent en miles ici. Mais en kilomètres il faut en compter quatre vingt dix. Dont soixante dans ce paysage unique au monde. J’arrête le véhicule sur une aire de stationnement. Il y a bien là une dizaine de campings cars aussi imposants que le nôtre. Il fait chaud. La climatisation nous l’a fait oublier. L’Ouest de l’Écosse connait des climats tropicaux. Odélie s’extasie de tout ce qui nous entoure. Elle n’arrête plus de filmer. << J’aime les grands espaces vides. Arides et désertiques ! >> dit elle. C’est reparti. Il est midi. À la sortie d’un virage, après la falaise abrupte sur notre droite, des prés sur notre gauche, voilà Fort William. Il faut rouler au pas car la circulation est dense. Parfaite pour voir les vaches typiques toutes proches. Leurs longs poils, leurs longues cornes évoquent quelque aurochs de la préhistoire. << Ça donne du lait ça ! >> s’exclame ma passagère qui filme. Il faut garer le véhicule sur le parking obligatoire. La ville est principalement piétonne. Je prends le petit sac sur le dos. Des pommes, une bouteille d’eau.
Toutes les rues sont pavées. Il y a du monde. Des maisons à un étage. La plupart présentant ces déclinaisons d’ocres si typiques. Devant nous, de l’autre côté de la ville, les hautes montagnes, les falaises. Fort William est un des rendez-vous mondiaux des amoureux de l’escalade et surtout de la varappe. D’ailleurs nombreux sont les magasins de sports dans les rues où nous flânons. Nos estomacs se mettent à ronronner. Je propose de nous offrir et de savourer des fish & chips en continuant nos découvertes. Ce ne sont pas les fastfoods qui manquent. Il faut juste s’armer d’un peu de patience dans la file. C’est moi qui prend l’initiative d’ouvrir les "hostilités". Rien n’est plus discret qu’une main baladeuse dans une file d’attente. Il suffit de surveiller ses arrières. Quand je pose ma main sur ventre, pour descendre subrepticement, ma touriste se serre contre moi en murmurant : << Ah quand même ! Il était temps, j’allais m’inquiéter ! >>. Nous en rions aux éclats. Je vaque ainsi à mes occupations tactiles en ayant la joue droite couverte de bises. Ça cause Hollandais derrière nous.
Ça va être à nous. Je demande : << Tu as une culotte ? >>. Odélie se contente de hausser les épaules. De lever les yeux au ciel. Nos cornets de papier en mains, nous grignotons nos morceaux de poissons panés et nos frites grossières. Nous avons tellement faim que c’est le meilleur plat du monde. Il y a plusieurs fontaines d’eaux potables aux coins des rues. De quoi se laver les mains, remplir la bouteille. Continuer nos balades. En restant le plus possible à l’ombre. << Put-hein mais il fait plus chaud qu’en Espagne ! >> lance à plusieurs reprises ma promeneuse. Depuis un petit moment c’est elle qui me touche. Pas toujours discrète, s’amusant à me mettre dans l’embarras. De quoi bien nous amuser. De quoi flatter nos libidos. Cette fois, j’ai prévu le coup. Il y a deux minuscules cuillères à moka au fond du sac à dos. Nous allons pouvoir nous offrir des pots de crèmes glacées. Qui n’a pas savouré des pots de glaces Ben & Jerry’s, assis sur un des bancs de Cameron square, à Fort William, un après-midi caniculaire, n’a qu’une vision très restreinte des plaisirs du monde.
Chacun son pot. Pour ma comparse vanille pécan. Pour moi pistache noix de cajou. Nos bouches pleines de glaces, nous les collons l’une contre l’autre pour de délicieux mélanges. Ce sont des baisers réfrigérants. De quoi avoir le dos et la nuque parcourus de frissons. Fort heureusement nous sommes à l’ombre de grands marronniers. Les pots vides dans la poubelle toute proche. Odélie me saute au cou en s’écriant : << Tu fais de moi la femme la plus heureuse du monde ! >>. Nos bouches s’unissent dans la volupté des parfums sucrés persistants. Il y a bien des musées mais nous n’avons strictement aucun élan culturel cet après-midi. Juste la douce et merveilleuse paresse de deux dilettantes en vadrouilles. C’est une porte cochère. Ouverte. Elle donne sur une cour. J’y pousse Odélie qui ouvre de grand yeux. Je dis : << Tant que ce genre d’initiatives étonnent tout va bien au sein d’une relation ! >>. Elle rit. Personne. Je glisse ma main sous sa jupette grise. Entre ses cuisses bouillantes. Mon Dieu ! Quelles sublimes sensations.
Mon index, adroit et fouineur, glisse sous l’élastique. << Coquin ! >> lance ma victime avant d’enfoncer sa langue dans ma bouche. Encore un frisson qui m’assaille. Sa main remonte l'intérieur de ma cuisse droite pour se glisser sous le short. Je murmure : << Coquine ! >>. Nous scrutons les environs. C’est une cour, étroite, une camionnette garée au fond. On pourrait nous apercevoir depuis une des fenêtres. Ce sont des murs de briques rouges. L’endroit est assez lugubre mais l’ombre y apporte une agréable fraîcheur. Nos doigts pianotent les touches de nos sensualités pour résonner de nos gémissements. Inutile d’aller jusqu’à la frustration. Sagesse féminine. Odélie met un terme à nos effusions de sensualités excessives pour m’entraîner dans la ruelle. Nous la remontons jusqu’à l’une des deux avenues. Il va être dix sept heures quand nous revenons au véhicule. En plein cagnard. C’est effroyable d’y pénétrer. Ma passagère allume la climatisation. Toutes les vitres ouvertes pour créer du courant d’air. Je démarre. C’est reparti pour de nouvelles aventures.
Direction Fort Augustus. 31 miles. Cinquante kilomètres dans une circulation dense. C’est une route à quatre voies. Les campings cars et les caravanes ont interdictions de dépasser. Nous sommes au cul d’un camion. Odélie se console en admirant les paysages. Nous roulons entre des montagnes aux falaises spectaculaires. Une heure et demi pour arriver à Fort Augustus. Petite ville touristique et historique. Cette fois, sans nous arrêter, nous la contournons par un périphérique redevenu à double voies. Je connais parfaitement la région. C’est une ruse qu’il faut déjouer. Pour prendre l’étroite route sur la rive droite du Loch Ness, je m’engage dans les ruelles d’un lotissement. << Tu fais quoi ? >> demande ma passagère. Je la rassure. Là, l’entrée de la fameuse "route militaire". Odélie comprend ma stratégie. Sur notre gauche les eaux sombres du Loch Ness. Ses bateaux blancs emplit de touristes qui le sillonnent. Sur l’autre rive la nationale et sa circulation délirante.
Les Black Mount entourent le lac de leurs forêts de hauts sapins noirs. Le Loch s’étend sur près de 35 km. Seulement neuf cent mètres dans sa plus grande largeur. Trois cent mètres de profondeurs moyennes. Foyers est le petit village à dix kilomètres. C’est là que j’ai réservé l’emplacement pour cette nuit. Au fond du parking du restaurant où nous attend une bonne table. J’ai tout prévu dans les moindres détails. Craigdarroch Hotel est tenu par un restaurateur Français depuis de nombreuses années. J’y ai mes habitudes chaque été. On y mange des saumons pêchés dans le Loch Ness. Odélie, à la fois surprise et enchantée, s’exclame : << Mais c’est génial ici ! >>. Je lui réserve une autre surprise. Mais ce sera pour plus tard. Nos estomacs se rappellent à nos bons soins. Il est un peu plus de dix neuf heures. La fraîcheur tant attendue se fait enfin ressentir. Ma vacancière prend ma main pour m’entraîner dans les fourrés. << Pipi ! Ça urge ! >> fait elle alors que je fouille dans le petit sac à dos pour y prendre le téléphone.
J’ai pour habitude de noter les kilomètres parcourus. Pour comparer avec ceux du tachymètre. Main dans la main nous retournons au véhicule. Cette fois je n’oublie pas de fermer les stores et les persiennes. Avec la climatisation qui a longuement fonctionné il fait presque froid à l’intérieur. Morts de faim nous nous précipitons vers le bâtiment. L’endroit n’a pas changé depuis des années. Le parquet de lames de chêne. Ses larges baies vitrées donnant sur le sublime panorama du lac. Ce sont des banquettes de cuir rouge qui entourent de petites tables carrées d’un bois clair. Nous pouvons nous y affaler contre les coussins. Il n’y a qu’une dizaine de clients. Nos choix se portent sur un gratin de saumon. Puis de légumes. Des haricots verts cuits à la vapeur. C’est de la cuisine moderne. Les plats se succèdent dans un enchaînement de saveurs plus suaves les unes que les autres. Avant nos coupes glacées, comme il le fait pour tous les gens attablés, le Chef vient nous saluer. Il me reconnaît. Je présente ma compagne. Nous bavardons quelques minutes.
Monsieur Charles s’inquiète : << Je vous est réservé l’accès aux sanitaires privés de l’hôtel. N’hésitez pas. ! >>. Nous le remercions pour cette charmante attention. Le café est bien frappé. Avec deux minis madeleines caramélisées. Juste ce qu’il fallait pour terminer en beauté. L’addition. Il va être vingt et une heures. Le crépuscule s’annonce car avec les montagnes qui nous entourent le soleil a disparu depuis un bon moment. Nous retournons au véhicule. Une rapide toilette au lavabo. En profiter pour revêtir nos jeans, des sweats, des baskets. L’idéal pour affronter la fraîcheur du soir. Tout est calme. J’emmène ma compagne d’aventures vers le chemin. Il descend en pente douce vers le pré au-dessus du lac. Je lui réserve la dernière surprise de la journée. De belles vaches Écossaises nous observent alors que nous longeons la clôture. Un bruit se fait entendre. De plus en plus fort. Là, dans le ravin, la chute d’eau qui tombe d’une trentaine de mètres dans les eaux noires du Loch Ness. C’est impressionnant. Il y a d’autres touristes. C’est un véritable vacarme. Odélie reste comme hébétée.
Elle filme. Je passe mes bras autour de sa taille. Ma joue contre la sienne. Mon menton dans son cou. C’est un des nombreux moments magiques que nous offre l’existence. Tout est tellement plus beau à deux. Là-bas, sur sa presqu’île, Castle Urquhart. Les ruines de cette citadelle millénaire ont pour légende d’avoir de profonds souterrains où vient se reposer Nessie. Le fameux monstre. L'attraction touristique. Il faut venir de l’autre rive pour la visiter. Ce n’est pas au programme. Serrés l’un contre l’autre nous admirons ces paysages exceptionnels. << Je ne regrette pas d’être venue te rejoindre. C’est encore plus beau que ce que j'imaginais. Ce que j’avais vu en photos et en films ! >> me confie la fille au van. Nous prenons le sens du retour en restant serrés l’un contre l’autre. Pour arriver à notre villa sur roues à la nuit tombée. Il va être vingt deux heures trente. Qu’il est bon de se glisser sous les draps. Nos caresses nous emportent vers d’autres enchantements. Quand ma bouche se pose sur le “bouton“ de ma douce amie, je savoure autant ses spasmes que la musique de ses gémissements.
C’est un véritable concerto pour une voix que m’offre ma jouisseuse avant de m’attirer sur elle. Chuchotant à mon oreille : << Viens ! >>. Je m’immisce dans un sentiment de volupté à nul autre pareil. Même si la fatigue se fait cruelle, nous rusons pour la contourner. Il suffit de s’embrasser avec plus de fougue encore. De se chuchoter des douceurs. J’aime poser mes lèvres dans son cou, titiller le velours de sa peau du bout de ma langue. La bercer lentement. Suçoter le lobe de ses oreilles. Ce qui nous arrive là est aussi merveilleux que les paysages dantesques qui nous entourent. Je m’effondre sur ma douce amie en poussant un profond râle d’exaltation. Je me couche sur le côté. Elle se blottit contre moi. Je ne veux surtout pas m’endormir. Je voudrais assister à ses assoupissements. À ses plongées dans les profondeurs. À ses respirations changeantes. Hélas, je coule avec elle…
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