Le souterrain
Le souterrain
Il est aux environs de huit heures en ce jeudi matin. J'ouvre les yeux dans l'agréable luminosité de ma chambre inondée du soleil de ce début juillet. Me parviennent les lointains bruits de la circulation. Là-bas, sur le port, la criée et ses animations estivales. Je téléphone à la réception pour me faire monter mon petit déjeuner. Le temps de passer aux toilettes, de passer mes vêtements de jogging. Voilà le groom. J'ouvre la porte afin qu'il emmène le chariot devant le fauteuil. Je lui tends un billet. Un sourire. Il me remercie avant de filer à toute vitesse. Je savoure ce pain grillé que je beurre avant d'y étaler un miel crémeux. Le jus d'oranges est onctueux. Oranges probablement pressées il y a quelques minutes. Le café est aussi suave que ses parfums subtils. Je prends tout mon temps.
Je me brosse les dents lorsque mon I-phone se met à vibrer. Avant d'émettre sa sonnerie "à l'ancienne". En maugréant quelque peu, je sors de la salle de bain en courant pour m'en saisir. Quelle belle surprise. C'est Odélie. << Coucou ! Je dérange ? >> demande t-elle. Je n'ai pas eu le temps de me rincer correctement la bouche. C'est donc avec quelques gargouillis que je réponds. Je l'entends rire. Je veux lui dire à quel point je suis content d'avoir ce coup de téléphone. Mais elle ne me laisse pas parler. << Tu as un vélo ? Rendez-vous à onze heures sur le port. Prépare ton sandwich ! >> lance t-elle. Je voudrais bien pouvoir m'expliquer. Mais c'est sans compter sur la spontanéité de l'intervention. << À plus alors ! >> conclue t-elle avant de raccrocher. Je regarde mon téléphone. Pas de numéro. C'est un "secret d'appel".
Je retourne à la salle de bain pour me débarrasser enfin de la crème dentifrice devenue désagréable en bouche. Dans l'ascenseur je fais mentalement le programme de la matinée. Dans une sorte de confusion car je suis tellement heureux à l'idée de revoir cette étonnante personne. Je demande à la jeune fille de la réception s'il est possible de louer une bicyclette dans les environs. Ma demande n'échappe pas au garçon d'étage qui passe à proximité. Il s'adresse à moi : << Vous n'en trouverez pas ! Les locations et les réservations sont certainement complètes jusqu'en septembre ! Mais je vous prête le mien. Il est tout neuf et je ne m'en sers pas ! >>. Je remercie le jeune homme qui m'invite à le suivre au sous-sol. Dans l'ascenseur, jusqu'à la partie vélos du parking souterrain.
C'est une bicyclette de style VTC. Parfaite pour la route comme sur terrain accidenté. Rouge. << Ma Ferrari ! >> lance le garçon qui me tend la clef du cadenas. << Vous le gardez tant que vous voulez. Si ça vous intéresse, je le vends ! >> rajoute t-il. Il me laisse pour retourner à ses travaux. La machine est effectivement toute neuve. Un Lapierre parfaitement équipé. Je l'essaie dans le parking. Parfait. Je peux donc honorer ma participation à la demande d'Odélie. Quelques mouvements d'échauffement avant de partir en courant en direction du port. Ce réflexe de scruter chaque van qui passe. Une heure d'un running des plus gratifiants avant la douche. Il est dix heures trente. Le temps d'enfiler un short de lycra beige, un T-shirt gris clair, mes baskets. Je prends l'ascenseur.
C'est à bicyclette que j'arrive sur le port. Des touristes partout sur les quais. Des marins proposent leurs pêches de la nuit et du matin. Je suis toujours impressionné par ces énormes crustacés dont les pinces sont nouées par de gros élastiques. Je reste en hauteur, sur le mur qui surplombe les quais. Je tente de retrouver la silhouette familière de mon rendez-vous. J'ai beau scruter. Odélie n'est pas du genre à poser des lapins. Une fois encore, la coquine a préparé son "entrée". << Bonjour ! Prêt pour de nouvelles aventures ? >> lance t-elle en arrivant derrière moi. Je me retourne pour la voir freiner en frottant son pneu arrière comme le ferait une collégienne en retrouvant ses amis. Aujourd'hui, ses longs cheveux noirs sont attachés en une longue natte. Short ample et noir. T-shirt bleu.
Son arrivée, son irruption, font parties de ce personnage qui me subjugue. Dans la lumière impudique de cette merveilleuse matinée d'été, Odélie respire la joie de vivre, l'optimisme et l'insouciance. Nous nous saluons. << Viens, on s'arrache. J'ai plein de trucs à te montrer ! ! >> dit elle en prenant une gorgée d'eau. Nous voilà à pédaler l'un derrière l'autre. Je n'ai qu'à la suivre dans le labyrinthe de la circulation déjà dense. J'admire sa plastique. Ce corps d'athlète. Sa grâce naturelle malgré une certaine "virilité" dans sa façon de pédaler. De fournir les efforts nécessaires pour s'extraire des chicanes de la route. Nous quittons la sortie du bourg. En roulant sur l'étroite piste cyclable, il faut rester prudents. Pour certains imbéciles c'est un sport de frôler dangereusement les cyclistes. Attention.
Je ris en écoutant Odélie insulter les plus inconscients. Elle n'a pas la langue dans sa poche avec les chauffards. Nous parcourons une dizaine de kilomètres jusqu'en haut des falaises. Je ne m'approche pas, je suis sujet au vertige. Alors qu'Odélie, avec une désinvolture affolante, s'approche du vide en disant : << On est au moins à cent mètres au-dessus de la mer ! >>. Nous poussons les bicyclettes jusqu'aux ruines d'une grande masure. Une partie de cette maison serait habitable. Les volets sont clos. L'autre partie croule sous les ronces. Odélie me montre la grande pierre. Elle y pose son petit sac à dos. J'y pose le mien. Nous sommes à l'ombre. Assis en tailleurs, l'un en face de l'autre, nous mangeons nos abricots. Odélie évoque son départ dimanche prochain. Destination l'Espagne.
Je n'en montre rien. Mais une profonde tristesse m'envahit soudain. Je ne veux pas en parler. Aussi, je dévie la conversation sur sa Bretagne d'origine. Ma maman en est originaire aussi. Nous y avons vécu dans mes jeunes années. Mon papa Écossais est issu de la même culture Celte. J'en suis fier. Nous dégustons nos sandwichs. Odélie me fait gouter le sien en précisant : << Tartex, pâté végétal, aux champignons ! >>. Elle goute le mien alors que je précise : << Pâté Hénaff ! >>. Nous terminons notre frugal repas par des nectarines. << Viens, je vais te montrer le pourquoi du comment ! >> fait Odélie en se levant. Elle saisit mon poignet un court instant. Je me dis alors que je la suivrai jusqu'aux enfers. Je garde ma pensée secrète. Nous contournons le muret de ce qui devait être un potager.
Il y a une petite maison en pierres. Juste une fenêtre ronde à l'ouverture cyclopéenne, de style "œil de bœuf". Stupéfait, je regarde Odélie escalader le mur. Prenant appui sur chaque aspérité avec une agilité déconcertante. Je dis : << La femme araignée ! >>. Odélie arrive dans l'ouverture. Assise, les jambes dans le vide, elle m'invite à grimper. J'imite ses mouvements. Je n'ai pas sa vélocité. Quand j'arrive maladroitement à sa hauteur, elle disparaît dans l'ouverture. Je m'y glisse à mon tour. Nous voilà sur la terre battue, dans l'odeur d'humus. Il y a des étagères en pierre sur lesquelles sont posées des jarres, des pots de terre cuite. Des outils de jardin dans un coin. La porte en fer est condamnée depuis l'intérieur. Mais ce qui attire l'attention c'est l'escalier qui descend dans le noir.
<< Lampe frontale. J'en ai deux. Autonomie de quatre heures chacune ! >> lance Odélie en m'invitant à la suivre. En descendant les marches avec précaution, Odélie m'explique : << J'ai découvert cet endroit lors de mes explorations. Je n'ai pas eu le courage de pousser plus loin mes investigations. Si ça ne te branche pas, on remonte ! >>. Je la rassure. Les aventures "urbex" me passionnent. Même si je n'en ai jamais vécu de réelles. Quelques usines désaffectées, un manoir abandonné. Mais jamais de souterrains. Je ne compte pas les marches mais cet escalier semble sans fin. Odélie porte la lampe à son front. Avec sa longue natte, elle n'est pas sans évoquer une guerrière cheyenne en chasse. Je suis derrière elle. Autour de nous ce ne sont que pierres de tailles bien assemblées.
Quand elle se retourne pour me demander si tout va bien Odélie m'éblouit de sa lampe frontale. << Oh, sexcuse-moi ! >> dit elle en s'en rendant compte. Nous rions en arrivant enfin dans un interminable couloir au sol plat. Nous pouvons marcher côte à côte. Sous terre, il est difficile de garder le sens du temps et des distances. Un flou spatio-temporel s'installe inexorablement. Les notions de surfaces disparaissent rapidement sous terre. Tous nos sens aux aguets nous avançons d'un bon pas. Odélie tire son smartphone de la poche banane fixée autour de sa taille. Elle l'allume en disant : << Bientôt plus aucun signal ! >>. J'enlève mon sac à dos pour en tirer le mien. J'allume. Je préfère prévenir la réception de mon hôtel. À la jeune fille de l'accueil, je donne notre position. Odélie, silencieuse, m'observe et m'écoute. Nous pouvons continuer rassurés.
<< Moi j'ai prévenu un collègue "nomade". Il sait où je suis ! >> lance Odélie. Forts de ces certitudes, nous continuons notre exploration. Il y a un couloir qui prend à droite. Identique à celui où nous nous trouvons. Je ramasse un morceau de granit pointu. Sur une des pierres, je marque un cercle grossier avec nos initiales. << Tu es un homme intelligent toi ! >> s'exclame Odélie en m'entraînant par la main. Quelques mètres et elle me relâche. Un nouvel escalier. Il descend. Sans hésiter un seul instant Odélie avance. << Viens ! Tu as les pétoches ? >> me demande t-elle. Je réponds : << Non, avec toi je n'ai peur de rien ! >>. Elle s'arrête pour répondre : << Tu as tort, je suis une descendante d'Anne de Bretagne ! Elle s'y connaissait en cachots et en instruments de tortures ! >>
Nous arrivons dans une vaste cavité. Creusée à même la roche. En éclairant nous prenons conscience d'êtres dans une sorte de chapelle. Ou d'un lieu de culte. Aucune statuaire qui pourrait donner la moindre indication. Un cercle fait de dalles de pierres. << Regarde ! >> fait Odélie en s'accroupissant. Du bout de l'index elle montre et caresse la gravure d'une clef. En fait il y a une gravure toutes les trois dalles. Là, un cerf. Là, un marteau. Là, un triangle. En éclairant la voûte nous découvrons la roche taillée par endroit en pointes qui ne sont pas sans évoquer des stalactites. << J'ai un peu froid ! >> s'écrie soudain Odélie en se serrant contre moi. Je peux enfin refermer mes bras sur son corps. Tout pourrait s'écrouler autour de nous, au fond de moi naissent les plus doux tourments. Je ferme les yeux.
Odélie se dégage rapidement de mon étreinte légère. Elle ouvre son petit sac à dos pour en tirer un K-ways rouge. Elle l'enfile. Nous faisons le tour de la salle qui semble figurer un grand ovale. Il y a comme un hôtel de pierre. Au centre une bassine creusée. Il y a des restes de cire collées sur le granit. Au fond, un couloir noir. Odélie s'y engouffre sans hésiter. Nous percevons un bruit lointain. Comme un orage. << C'est la mer ! Je suis certaine qu'on va déboucher aux bas des falaises ! >> dit ma guide en m'entraînant par la main sur quelques mètres. << Pipi ! >> lance soudain Odélie. Je fais mine de reculer, de la laisser à l'intimité de son besoin. << Non, ne t'en va pas ! On va se perdre si on se sépare ! >>. Je réponds : << Mais je ne m'en vais pas, je m'éloigne par correction ! >>
Odélie éclate de rire en demandant : << Par civilité peut-être ? >>. De son petit sac à dos elle tire un étrange entonnoir de plastique bleu. Je demande : << C'est quoi ? >>. Elle répond : << Pipi debout ! C'est plus pratique et ça permet de partir en courant ! >>. Odélie fait tourner l'objet. Je commence à comprendre. Elle rajoute : << 2,50 euros sur AliExpress ! >>. Par pudeur, je détourne le regard lorsqu'elle descend son short et sa culotte à mi cuisses. C'est plus fort que moi. Par curiosité plus que par voyeurisme, je risque un coup d'œil. C'est surréaliste autant qu'insolite. Stupéfait je regarde Odélie uriner comme un homme. Elle pousse l'analogie jusqu'à siffloter. Je reste à distance. La lampe frontale éclaire cette scène de façon "biblique". Odélie se soulage par plusieurs petits jets.
Je dis : << Je vais t'appeler Odélien à partir de maintenant ! >>. Éclatant de rire, Odélie s'exclame : << Ne me fait pas rire, je vais m'en mettre partout ! >>. Comme ma compagne d'exploration prend tout son temps, savourant peut-être d'être vue ainsi, d'être regardée, je viens me positionner à sa gauche. Je tire sur l'élastique de mon short pour en extraire mon sexe. Odélie reste silencieuse en me regardant pisser. En sifflotant, en chantonnant, elle imite chacun de mes gestes. Secouant son tuyau de plastique comme je le fais pour les toutes dernières giclées. Les gouttes ultimes. Je remballe le premier. Odélie verse un peu d'eau dans sa main pour rincer son accessoire. Elle l'essuie avec un mouchoir en papier avant de le remettre dans son sac. << On y va ? C'est bon ? >> lance t-elle.
Nous reprenons notre exploration. Le bruit de la mer est de plus en plus fort. Nul doute. Nous approchons de la sortie. C'est évident lorsque qu'un souffle de vent du large vient gifler nos visages au détour du couloir en angle droit. Là-bas, une lueur ovale. << C'est génial ! >> s'exclame Odélie en saisissant ma main quelques instants une nouvelle fois. Nous arrivons sur une espèce de terrasse naturelle. À une trentaine de mètres au-dessus de la plage déserte et inaccessible. Impossible d'y descendre sans un équipements de grimpe. Là-bas, le groupe d'îles. Les bâtiments abandonnés d'un ancien hôpital. << Demain, on prend une barque et on va visiter cet île et ses bâtiments. Ça te dit ? >> me fait Odélie en buvant une gorgée d'eau. Je trouve cette suggestion formidable. Réjouissante. Elle pourrait m'emmener sur la lune. J'irais avec elle...
Nous restons assis, dos contre la roche, à admirer le paysage qui ne s'offre qu'à nous. Il va être dix sept heures. Nous n'avons pas d'autres choix que de reprendre le même itinéraire pour revenir aux bicyclettes, fermées à cadenas, dissimulées dans les ruines. Nous grignotons les barres de céréales en bavardant. À chaque fois qu'Odélie aborde le sujet de son départ pour l'Espagne, je change de conversation. Elle n'est évidemment pas dupe. Mais comprenant sans doute mon ressenti, elle n'insiste pas. Elle précise toutefois : << Je remonte en aout, une semaine. Si tu traînes vers Douarnenez on peut se faire des "urbex". Ces paroles exercent sur ma psyché un soulagement extraordinaire. Je n'en montre rien. Odélie est une femme. Rien ne lui échappe. Je ne suis pas bon comédien. Elle me "sait" déjà.
Il va falloir songer à repartir. C'est regrettable de devoir quitter cet endroit magnifique. Comme un balcon privé, réservé aux courageux ayant eu la témérité de venir jusqu'ici. << C'est comme un parcours initiatique ! >> lance Odélie en accélérant le pas. Nous retrouvons le signe marqué dans la pierre. Odélie ramasse le caillou de granit. Elle barre le cercle contenant nos initiales d'une flèche en disant : << Je suis certaine de revenir ici un jour ! >>. Je la regarde. J'ai envie de la prendre dans mes bras. De me jeter à genoux. Crier toutes mes émotions, toute la reconnaissance que la fille au van m'inspire. Me gratifiant de tant de bonheur à son insu. À son insu ? Je suis empli de tous ces ressentis. C'est un effort de chaque instant de garder tout cela pour moi. De jouer l'indifférent. Quand elle parle, qu'elle tourne la tête pour m'éblouir de sa lampe, elle rit.
Nous avons passé à chaque fois plus d'une heure trente sous terre. Je ne crois pas avoir vécu situations plus magiques que celle-ci. Nous voilà de retour au milieu des ronces. Je m'apprête à ouvrir le cadenas des vélos quand Odélie s'accroupit près de moi pour dire : << Merci pour ces moments. Tu passes tous les tests avec brio ! >>. Elle se redresse immédiatement. Pour éviter ma question, Odélie rajoute : << Je me dégusterais volontiers une bonne glace. Et toi ? >>. Je propose de nous arrêter au bar restaurant en direction du bourg. Il est presque dix neuf heures. Je rajoute : << On mange au restaurant, ça te tente ? Je t'invite ! >>. C'est la toute première fois que je découvre ce réflexe. Comme pour brider l'élan qui l'anime soudain, elle s'éloigne. Fuyant peut-être une tentation.
<< Pipi avant de partir ! >> s'écrie t-elle en tirant son accessoire de plastique bleu de son sac à dos. Elle se place contre le mur de pierres. Son short et sa culotte à mi cuisses. Une nouvelle fois je détourne le regard avec pudeur. << Tu ne dois pas faire pipi toi ? Viens ! On fait des dessins sur le mur ! >> lance t-elle. Je reste pantois, consterné. Est-ce possible ? Je surmonte mon hésitation, mon appréhension pour venir me placer à sa gauche. Je reste totalement subjugué par le dessin qu'elle fait de ses jets. Elle éclate de rire en disant : << Je lui fais un chapeau ! >>. Elle vient de réaliser la silhouette d'un bonhomme. Je tente de l'imiter. << Tu ne lui mets pas un chapeau ? >> s'écrie t-elle. Comme dans le souterrain, nous secouons les dernières gouttes en riant comme des fous.
Il faut rester d'une extrême vigilance sur l'étroite piste cyclable. Il fait encore chaud. La circulation est dense. Quelques kilomètres et nous arrivons sur le parking du bar restaurant. Il y a des tables libres sur la terrasse. Nous investissons celle qui se trouve sous la pergola. La terrasse donne sur la mer. Les îles vues depuis notre "balcon" privé au débouché du souterrain. << Pour demain, on loue une barque. Il y a quoi, deux bornes au maximum. On va visiter l'île ! >> fait Odélie en posant sa main sur la mienne une seconde. Nous commandons d'énormes plateaux de fruits de mer. À chacune de ses évocations de l'Espagne, je change de sujet. Ce qui la fait rire. Elle a compris ma petite astuce. Nous traînons longuement. Une énorme coupe glacée. De bons cafés. La fatigue qui commence à se manifester. À nous gagner. Nous baillons en riant. En gémissant. Oubliant les autres clients à proximité.
Le crépuscule qui précède la nuit est un enchantement. Assis sur le muret, devant l'entrée du parc à vans, nous profitons de cet exquis dernier moment. Je suis empli de bonheur. C'est une douleur que de ne pouvoir l'exprimer. Même si je suis un piètre comédien, je réussi à cacher mes ressentis. Quand je tourne la tête pour parler, le profil d'Odélie se détache sur les eaux noires de la mer qui est remontée à son plus haut niveau. Comme elle est belle ! Je suis certain que les mêmes tourments, les mêmes pensées hantent l'esprit d'Odélie. Mais elle est bien meilleure comédienne que moi. Nous nous quittons sur ses mots qu'elle prononce en martelant chaque syllabe : << Je t'appelle demain, comme ce matin. On organise le "plan" ! >>. J'ai envie de la prendre dans mes bras. << À demain ! >> fait elle en tournant les talons, s'enfuyant, pour me laisser seul avec mes émois.
Je rentre à bicyclette. La lampe frontale que m'a prêté Odélie. Une relique. Un objet de culte. Je vais dormir avec...
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