L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Sur des promesses

                                                       Sur des promesses

 

        Quand ses lèvres se referment sur le lobe de mon oreille. Que je dors encore. Mon rêve devient extatique un instant avant de devenir réalité. Je peux ressentir la douce chaleur de son souffle. << Tu sais bien que je ne peux pas rester réveillée toute seule quand je suis avec toi ! >> murmure Odélie, en caressant mon torse. Je chuchote : << Je le sais bien ! >>. Elle pose sa tête sur ma poitrine. Sa main descend sur mon ventre. S’attarde un peu. Puis descend encore. Ma tumescence dans sa poigne ferme, elle rajoute : << Je ne pars pas. Je ne prends pas l’avion. Je reste en Écosse avec toi ! >>. Je réponds : << Si seulement tu pouvais dire vrai ! >>. Nous savons tous deux que cela n’est pas possible. Du moins pour elle. Toutes les femmes que j’ai connu se sont toujours entourées de contraintes. Autant de cadenas les empêchant le plus souvent d’accéder à des sphères autres. Odélie ne fait pas exception. Il devient impossible de lutter plus longtemps. Ma compagne d’aventures se lève avec son saut habituel, gracieux et souple, pour se précipiter vers la porte.

 

        Je vais à la cuisine pour faire bouillir l’eau. Presser les oranges, peler les kiwis. Odélie me rejoint pour prendre la suite. Elle a revêtu un T-shirt. Je vais aux toilettes. Il y a un cœur fait d’un morceau de papier blanc posé au sol. Je le ramasse. Je revêts un T-shirt. L’odeur du café, du pain grillé. Dehors, le ciel voilé mais lumineux. Ce qui n’était plus le cas depuis longtemps. Les pancakes posés à côté des bols. Je place le cœur en papier sur une de mes tranches de pain grillé. Nous prenons notre petit déjeuner en faisant le bilan de ces onze journées passées ensemble. En essayant de nous remémorer les évènements les ayant marqué. Ma douce amie ne tarde pas à venir s’assoir sur mes genoux. Bien évidemment, les premières pensées vont aux péripéties qui ont agrémenté nos périples. << Je vais créer un dossier spécial Odélie William. Classer toutes les photos ! >> dit elle en commettant son acte de forfaiture quotidien sur ma dernière demi tartine au miel. Je m’en retrouve dépouillé ainsi que du reste de mon café. Adorable fille au van.

 

        Je trouve le concept amusant. J’ai agi de la même manière en relatant nos aventures sur mon Blog. Un peu à la façon d’un journal. Cinquante deux épisodes traduisant le plus fidèlement possible notre belle histoire. << Je viendrai y errer et relire lors de mes périodes de doutes où d’interrogations ! >> précise ma voleuse de tartines. Nous traînons à table. Il va être neuf heures. À califourchon sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou, Odélie me confie ses ressentis. Une certaine appréhension quant à l’avion cet après-midi. C’est un vol direct Édimbourg Barcelone en première classe. Elle y arrivera pour vingt heures. Retrouvant son van et son existence. << C’est à chaque fois plus difficile quand je te quitte. Il me faut à chaque fois plusieurs jours pour m’en remettre ! >> rajoute t-elle avec un certain désarroi dans la voix. Il en va de même pour moi. Je lui en fais une fois encore l’aveu. Je conclue : << Ne nous attardons pas dans ces introspections venimeuses. Pensons à maintenant ! >>. Nos lèvres collantes et sucrées, l’une contre l’autre, avant que nos langues ne fassent l’amour.

 

        Elle se lève. Je me lève. Nous débarrassons pour faire la vaisselle. Je vais rester dans cet appartement jusqu’à dimanche. Il me faudra faire des courses en fin d’après-midi, après le départ d’Odélie. La vaisselle. À chaque idée, je note l’achat sur un post-it. Ma douce amie me saute au cou. Je la soulève. Ses jambes enserrent ma taille. Je la promène dans toute la grande cuisine. << Je t’aime ! >> murmure t-elle à plusieurs reprises à mon oreille. Le ton de sa voix est sincère. Elle ne le dit pas souvent. Mais à chaque fois comme à regret. Et pas autant que moi. Je l’assois sur la table. Je m’installe sur la chaise. Mes mains sur ses genoux, puis sur ses cuisses qu’elle écarte. Elle caresse ma tête, mes joues, avant de saisir mes oreilles. J’adore être guidé ainsi. Mes lèvres effleurent l’intérieur de ses cuisses. Je lèche sa peau. Cette étrange impression de velours qui éveille mes premiers émois sensuels. Mon visage fourré dans son intimité. Je me régale des saveurs de sa nuit. Des gémissements à peine perceptibles. De même pour des tremblements de plus en plus fréquents.

 

        C’est la position la plus parfaite pour ce genre de dégustations. Odélie, d’abord en appui sur ses coudes, se laisse aller sur le dos. Mes mains remontent sur ses seins. Je les effleure du bout de mes doigts. Mes vertiges m’enivrent. Je me surprends à gémir moi aussi. Je sais quand il faut cesser. Hors de question d’aller jusqu’à l’ultime. Odélie est la plus parfaite complice dans ces instants. Elle se redresse. Descend de la table pour s’installer sur mon érection. La position est toute aussi parfaite. Nous restons immobiles à nous fixer. Ma partenaire fouille dans mon être. Ses yeux de braise, noirs et perçants, pénètrent mon âme. Cette sensation est à la fois terrifiante et exaltante. L’immense satisfaction de pouvoir tout révéler sans avoir à parler. Je n’ai pas cette faculté. Odélie garde ce troublant mystère que je lui découvre plusieurs fois par jour. J’ai le profond sentiment qu’elle ne se livre jamais vraiment. Ce qui la rend passionnante. Elle est encore la jeune fille débordante de vie , curieuse de ce qui l'entoure et pourtant déjà la femme maîtrisant parfaitement sa féminité.

 

        Elle bouge doucement. Je caresse ses hanches, sa taille. Nos bouches s’offrent jusqu’à manquer d’air. La sueur coule sur mes cuisses. Est-ce seulement de la sueur ? Je propose de prendre une douche, de nous rafraîchir. Odélie se lève. Mon épée quittant le fourreau ressent une curieuse fraîcheur. Elle saisit mes deux mains. Je me lève à mon tour. Elle m’entraîne à la salle de bain. Il nous est difficile de séparer nos corps. De les frotter lorsqu’ils sont couverts de mousse nous amuse. De nous embrasser sous les filets d’eau est une autre volupté. Nous faisons durer. Nous avons toute la matinée. Une partie de l’après-midi si nous le désirons. Après son shampoing, séchée, assise sur le tabouret, une large serviette sur les épaules, ma partenaire de jeux se fait coiffer. Le sèche cheveux dans la main gauche, la brosse dans la droite, j’œuvre pour sa plus grande joie. << Tu es tellement attentionné avec moi ! >> lance t-elle alors que je tresse ses cheveux en natte. Les portes fenêtres ouvertes offrent un agréable courant d’air rafraîchissant.

 

        Nous sommes nus comme au premier jour de nos vies. Je suis affalé dans le canapé. J’observe Odélie préparer sa valise. C’est un spectacle. Elle récupère son linge sec. Elle me raconte d'amusantes anecdotes. Plutôt que d’emmener la grande serviette humide, je suggère d’en prendre une neuve et sèche dans l’armoire de la salle de bain. Un genoux sur sa valise pour pouvoir la refermer, elle lance : << La prochaine fois je fais comme toi, j’envoie tout par la poste et je récupère en arrivant ! >>. C’est ainsi que je procède lorsque je prends l’avion aux vacances de fin d’année pour venir passer deux semaines en Écosse. << La prochaine fois ! >> a t-elle dit. Y aura t-il une prochaine fois ? Je garde cette interrogation pour moi. Le bagage posé à côté de la porte, Odélie vient me rejoindre. À genoux, à califourchon sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou à mitrailler mon visage de bises. S’emparant d’un des épais coussins elle se lève pour le jeter au sol. Entre mes pieds. Elle s’y met à genoux. Ses mains sur mes cuisses. Le silence. Son sourire énigmatique. Tout en me scrutant elle approche son visage.

 

        Sa bouche qu’elle referme sur mon érection naissante. Le spasme qui agite mon corps m’électrise. Je caresse son front. Je passe l’extrémité de mes doigts sur ses sourcils. J’aime le faire. C’est une inexplicable sensation. Je ferme les yeux pour appuyer ma tête contre le dossier du canapé. Je reste immobile, en proie à la plus indicible des voluptés. Je me laisse faire. Totalement passif. Je cherche à comprendre ce qui se passe, ce qu’elle fait, quelles sont les causes de tous mes délicieux tourments. Une fellation est un envoûtement qu’exerce une femme sur un homme. Un acte magique. Cette merveilleuse sensation d’appartenir entièrement à ma complice m’envahit totalement. Je ne suis plus qu’un pantin désarticulé. Je ne m’appartiens plus. Heureusement, en cessant, Odélie met fin à cet envoûtement. Je me penche pour déposer une bise sur son front en murmurant : << Je reviens de loin, j’ai failli en mourir ! >>. Nous rions. Il va être midi. Toute perception du temps nous a échappé. Ce sont nos estomacs qui grognent. Nous sommes donc bien vivants.

 

        << J’ai pris mon apéro ! >> s’exclame Odélie en se relevant. << Sans eau, juste le pastis ! >> rajoute t-elle en me sautant dessus. Nous en rions aux éclats. Elle saisit mes mains pour les poser sur ses seins. Elle dit : << Il faut que j’aime vraiment tu sais ! Et très fort pour faire "ça" ! >>. Je réponds : << C’est réciproque ! >>. Je propose un restaurant. << Ah non, je veux t’avoir rien que pour moi jusqu’à l’avion ! >> s’écrie t-elle. Nous nous levons pour nous précipiter à la cuisine. Ma préparatrice fait l’assaisonnement de deux dernières tomates un peu fripées. Je fais bouillir l’eau des spaghettis. Il reste un demi fromage. Je le fais fondre dans la poêle avec deux œufs. << Reste de frigo à l’Écossaise ! >> lance ma complice. C’est un repas nudiste chez les naturistes. C’est complètement nus que nous dévorons ce repas des plus simples. De fines tranches de pain que je fais revenir dans les restes de la poêle. Dehors il fait beau. La température est de 24°. Nous traînons à table. Odélie assise sur mes genoux, ses bras autour de mon cou.

 

        Avec toutes les fenêtres ouvertes, l’atmosphère est des plus agréables. Magnifique journée d’août. << Tu fais quoi, une fois que je serai partie ? >> demande mon aventurière. Je reste évasif. Je ne veux rien révéler qui pourrait trahir mon émoi. Ou quoi que ce soit d'autre. Je me contente de répondre : << Demain je vais sur Glasgow. J’y ai des amis. Puis ce seront de longues errances dans mes endroits préférés ! >>. Elle rajoute : << Tu me feras des courriels pour me raconter ? >>. Je promets d’écrire. Mais pas tous les jours. Laissons passer un peu de temps. La vaisselle. Nous enfilons des T-shirts avant d’aller sur le balcon du salon. Odélie porte un des miens. Ça lui fait comme une robe. Je suggère que nous allions marcher un peu, profiter de cette autre belle journée. << Oui mais pas longtemps. J’ai envie d’être toute seule avec toi. De faire l’amour encore un peu ! >> dit elle en me sautant au cou. Je la soulève en disant : << Et bien la promenade se limitera à ça ! >>. Je la promène dans tout l’appartement. Nous rions comme des fous à chaque arrêt.

 

        Nous rions quand je joue au guide. Que j’invente un passé, des origines et des descriptions fantastiques aux objets les plus anodins. Je disserte sur l’aspect d’un vase on ne pleut plus quelconque comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art. J’adore la voir rire. Je veux absolument éviter la moindre séquence de chagrin. Car sa voix à tendance à s’étrangler parfois. Même si elle tente de n’en rien montrer, l’émotion la gagne. Autant que moi. Je l’emmène dans la chambre pour la déposer délicatement sur le lit. Nous retirons nos T-shirts. Odélie me fait basculer pour me chevaucher. Écartant mes bras en tenant mes poignets. << Pourquoi c’est si dur la vie ? >> fait elle d’une voix étouffée par l’émotion. Je l’attire sur moi en répondant : << Viens, on se soigne de tous nos maux. On pleure comme des fous. On rit toujours comme des fous ! Ça change ! >>. À peine ai-je prononcé ces paroles que nous éclatons tous les deux en sanglots. Trempés de nos larmes. C’est difficile de parler en pleurant. Ça change le timbre de nos voix pour les rendre plaintives. Ridicules presque. Il faut s'éponger, reprendre sa respiration.

 

       Impossible de quantifier la durée de cette thérapie. Une thérapie qui s’avère redoutablement efficace, car en faisant à nouveau l’amour, il nous arrive de rire de nos folies. Nous n’aurons plus les larmes nécessaires à la séparation. Et tout ce passera probablement de manière plus sereine. Je me comporte en hussard pour redevenir sensuel, avant de repartir dans d’autres hardiesses délirantes. Nos gémissements, nos cris dans la plus parfaite symbiose. Quand je me retire c’est pour porter mon visage entre ses cuisses. Quand je me fais culbuter c’est pour me faire chevaucher. Notre comportement est celui d’amants se retrouvant pour une dernière étreinte avant la condamnation à mort. Cette position soixante neuf nous emmène dans des contrées sauvages avant un dernier assaut. Nous atteignons l’ultime en même temps, nos doigts entrecroisés et serrés si fort qu’ils en sont douloureux. Il ne faut surtout pas s’endormir. Odélie se couche sur moi pour murmurer : << Tu es un homme, un vrai et tu m’aimes comme un homme. C’est vachement bon ! Si tu savais ! >>. Je réponds : << Mais je sais ! >>

 

        Il va être quinze heures. Une seconde douche s’impose. Odélie porte une de ses jupettes noires. Un T-shirt gris. Je suis en short beige, T-shirt blanc. Nos baskets. Nous croquons dans la même pomme. Dans son petit sac à dos, des pommes, des barres de céréales, une bouteille d’eau. Je prends sa valise. Bien lourde. Nous descendons les escaliers. Tante Amy et Emma sont dans le jardin. Elles viennent nous saluer. << Alors c’est le départ ? Ça vous a plu l’Écosse ? >> demande Amy dans un français très approximatif. Je traduis la suite. En route. Il y a douze kilomètres en passant par South Queensferry. La circulation est fluide. Odélie garde sa main sur ma bosse. Je garde la mienne sur sa cuisse. << Si je rate l’avion, je reste avec toi jusqu’en septembre ! >> lance t-elle. Je réponds : << Tu ne rateras pas ton avion ! >>. L’aéroport. Une place sur le parking. Il y a plusieurs arrivées et plusieurs départs. L’avion pour Barcelone est annoncé avec un retard de dix minutes. Il nous reste vingt cinq minutes. Le contrôle douanier est beaucoup moins strict pour les partants que pour les arrivants.

 

        Un vent léger. À l’ombre du grand bâtiment, nous restons serrés l’un contre l’autre. Les yeux rivés malgré nous sur la grande horloge dont les aiguilles sont de véritables instruments de torture mentale. La voix de la dame dans les hauts parleurs. La navette vient se garer. Il faut y aller. Odélie s’accroche une dernière fois à mon cou comme une désespérée. << Je ne sais pas encore comment je vais me débrouiller, mais je veux passer plein de jours avec toi dans mon van, en Espagne ! Je le veux vraiment ! >>. Je saisis ses poignets en disant : << Il faut partir ! >>. Je ponctue d’un : << Maintenant ! >>. Ses yeux s’embuent lorsqu’elle me lâche. Je la regarde monter dans le bus. Un signe de sa main. Un bisou mimé, ses lèvres contre la vitre. Je regarde le véhicule s’éloigner sur le tarmac. Odélie n’est plus qu’une des silhouettes qui gravissent l’escalier accroché à l’appareil. C’est étrange. Mon cœur ne se serre pas. Je reste calme et parfaitement maître de mes émotions. Comme la certitude qu’il n’y aura plus de prochaine fois. Un curieux sentiment provenant du plus profond de mon être. L’avion avance sur la piste. Accélère. S’envole pour n’être plus qu’un point dans le ciel.

 

        Je m’installe à une table du restaurant. Il va être dix sept heures. Je médite sur les derniers mots d’Odélie. Leurs résonances ont un écho étrange dans ma psyché. La fille au van est partie pour rejoindre son destin. Un destin qui l’attend probablement avec beaucoup d’impatience à l’aéroport de Barcelone. Entre les souhaits dictés par les émotions d'un adieu inéluctable et les évènements de l’existence il y a souvent des promesses intenables. Ou non tenues. Oubliées. Je vais faire les courses avant de revenir. J'ai une petite heure. J’attends l’avion en provenance de Paris, via Londres. Juliette doit arriver d’ici une heure trente…

 

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12/12/2024

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