L'ECRIT DE JOIE

L'ECRIT DE JOIE

Une agréable soirée

                                                 La soirée chez Laure

 

        Cette magnifique journée de novembre est un enchantement dès le matin. Certes la température ne dépasse guère 14° aux environs de midi. Mais un ciel presque entièrement bleu prête l’illusion d’une début de printemps. Après tout, l’automne n’est-il pas d’une certaine manière le printemps de l’hiver ? Je me plais à me bercer de cette idée poétique. Je prépare mon repas en pensant à la randonnée que je vais m’offrir dans l’après-midi. Seul. C’est également appréciable. La marche permet de cerner les interrogations et le plus souvent d’en démêler les fils. Des haricots verts et des petits pois agrémentent mon dos de colin pané. L’accompagnement d’une salade de concombre égaye l’ensemble d’une suave fraîcheur. Je mange de bon appétit sans oublier mon rendez-vous de la soirée. Chez Laure. À partir de dix neuf heures trente. Nous allons partager un repas surprise. Je me rappelle de ses dernières paroles. Je viendrai les mains vides, conformément à sa demande.

 

        Quelle plus belles réjouissances après un bon après-midi d’exercices et grand air. Dès la vaisselle terminée, les dents brossées, je me change. Un pantalon de toile kaki, un sweat brun. Mes bonnes chaussures de marche. Dans le petit sac à dos, ma perceuse, du papier à poncer et mon matériel de créateur mural. C’est que je suis fermement décidé à percer quelques trous magnifiques le long d’un nouveaux circuit repéré à partir du bourg. Au lieu de partir de la salle polyvalente, en direction du chenil, je vais prendre immédiatement à droite, vers les champs. Il m’a semblé voir au loin des cabanes, peut-être des granges. Mon expédition de l’après-midi me permettra d’en savoir davantage. Une pomme, des barres de céréales, la gourde isotherme de thé bouillant. C’est parti. Il n’y a que cinq kilomètres jusqu’au parking de la salle polyvalente. Dix minutes par l’étroite route communale depuis la maison. Je gare la voiture sur l’aire parfaitement déserte. Le chemin est large. J’évolue entre deux clôtures qui délimitent les champs récemment labourés.

 

        Je ne suis encore jamais venu par là. Le sol est sec. L’odeur d’humus si caractéristique de l’automne. Les amateurs de champignons doivent trouver là leur bonheur. J’arrive à la lisière de la forêt. Je longe le ruisseau qui ira se jeter plus loin dans la rivière du vieux moulin. Je le traverse. Un pont fait d’épaisses poutres de chêne. Tiens ! Voilà justement un cueilleur de champignons. Le mycologue, un panier à la main, me salue. Il me montre sa cueillette. Principalement des girolles. Je n’y connais rien alors il m’explique les principes de base. << On ne connait pas, on ne cueille pas ! >>. Ce brave homme me confie connaître des coins bien à lui. Il prétend même venir ramasser tous les jours. Sa femme faisant des conserves avec les contenus quotidiens de son panier. Je reste admiratif. Je souhaite à ce monsieur une bonne continuation avant de reprendre ma promenade. Attention. Un olibrius, monté sur un VTT me dépasse à vive allure. Sans un mot d’excuse. Je sors de cette partie des bois. Là-bas, une cabane. J’en fais le tour.

 

        C’est une construction faite de planches verticales. Supportant un toit de tuiles couvertes de mousse. Il n’y a pas de porte. Il y a des bûches empilées jusqu’aux poutres du plafond. Une remorque. De vieux outils, râteaux, bêches, pelles et pioches. Je fais le tour intérieur. C’est une des planches verticales qui donnent sur le chemin. On distingue les environs par les interstices. Je déballe mon matériel. Je pense à Anne-Marie. Elle prendrait très certainement énormément de plaisir à être là, avec moi. Peut-être perceuse en main pour confectionner un orifice du plus bel effet. Cette idée m’amuse. Pourquoi la priver de cette prochaine joie ? Pour préserver cet espace à son intention, je décide de percer sur la cloison opposée. Après tout, des promeneurs font comme moi, tournent autour de telles constructions isolées, par curiosité ou par besoins. Ce sont de vieilles planches d’épicéa. Je fixe la mèche de 5 mm sur le mandrin. Un essai. Ça fonctionne. Je cible. Je vise. Exactement au milieu d’une planche qui doit avoir une largeur de trente centimètres.

 

       Ça entre comme dans du beurre. Trois centimètres d’épaisseur. La mèche de 10 mm. Facile. Je peux passer directement à la mèche "cloche". La confection de ce magnifique orifice de 5 cm de diamètre ne prend pas plus de quelques minutes. Je récupère toujours les disques de bois qui tombent de la "cloche". Je dois bien en posséder une cinquantaine. Je les collectionne en les datant. Une caisse, au fond du garage, en est pleine. Je ponce proprement les bords du trou. L’épicéa est fibreux. Il faut soigneusement éliminer les échardes. Cette fois je dois enduire l’épaisseur de colle à séchage rapide. L’idéale pour fixer les fibres du bois. Je mélange un peu de peinture "terre de Sienne" afin de teindre la pâte. C’est moins visible depuis l’extérieur. Je ne suis pas peu fier de ma réalisation. Je prends une photo depuis l’intérieur, une autre depuis dehors. Il faut procéder au test. À l’instant où je veux extraire mon sexe de ma braguette béante, en me penchant, je vois une cavalière. Je me précipite à l’intérieur.

 

       Droite sur sa monture, elle se dirige vers la cabane. Heureusement que j’ai regardé avant d’introduire ma virilité dans l’ouverture. Je reste silencieux. J’entends les sabots du cheval qui tourne autour de la construction. J’entends également la cavalière parler à sa monture. J’attends. Le bruit s’éloigne. Je peux enfin procéder au test. C’est parfait. La colle est sèche. Je remballe les outils. Je m’éloigne en sifflotant. Il ne faut pas plus d’un quart d’heure pour arriver à cette grange que l’on voit au loin, depuis l’étage du vieux moulin. Une construction plus grande. Les deux battants de la porte grande ouverte. J’y pénètre. Il y a des balles de foin empilées. Il n’y a pas l’embarras du choix. Un seul endroit où réaliser ma création murale. Juste à côté de la porte. À droite de la poutre qui supporte ses charnières. J’hésite. Pourquoi ne pas laisser ce plaisir à Anne-Marie lors de notre prochaine sortie ? Nous avons prévu de randonner samedi après-midi avant de manger chez elle en soirée. Encore d’autres réjouissances d’un repas surprise.

 

        Oui. Il est préférable de revenir samedi. L’endroit est magnifique. La grange est entourée de ronces. Très probablement des mûriers et des framboisiers, à la belle saison. Par contre, un peu plus loin, il y a un panneau indicateur. Une carte des sentiers de la région. Ce support fixé sur deux poutres verticales. Les planches sont horizontales. Un trou sous la carte. Ce serait du plus bel effet. Mais ni suggestif, ni stimulant, en plein chemin. Je n’hésite pas plus longtemps car revoilà la cavalière. Nous nous saluons. Je prends le sens inverse. Je croise un autre mycologue. Lui aussi me montre le contenu de sa besace de cuir brun. Nous bavardons un peu. Les cueilleurs sont parfois de grands philosophes. Car à les entendre vanter les mérites de leurs passions, à les entendre faire les descriptions de leurs lieux “secrets“, à les écouter disserter sur les vertus gastronomiques des champignons, on se prend à admirer leur érudition. Je voudrais bien philosopher sur la confection des trous dans les murs, mais je m’abstiens. Un peu frustré de ne pouvoir le faire.

 

        Il fait nuit quand je suis de retour à la maison. Il va être dix huit heures quarante cinq. Le temps de me changer, d’envoyer les photos prises cet après-midi à Anne-Marie, et me voilà prêt à filer. Je porte un pantalon de toile claire. Mes mocassins beiges. Une chemise crème sous un pull blanc, col en “V“ au liseré beige. Une veste claire. Je prends quelques poses devant le grand miroir de la penderie. J’esquisse quelques pas de danse en claquant des doigts. Il va être grand temps de partir. Je m’adresse un clin d’œil en chantant : << Ça va le faire ! >>. Je reprends la direction du bourg. Mais cette fois vers la sortie du lotissement. La maison "tranche napolitaine" de Laure. Sa grosse berline Allemande garée dans la descente du garage. Je stationne la mienne juste derrière. Il faut tirer la chaînette pour agiter la clochette. Ou appuyer sur le bouton de la sonnette. Est-ce une sorte de défi pour tester le visiteur ? J’opte pour la chaînette. La porte s’ouvre. Laure. Je la découvre extrêmement détendue. << Bon choix ! >> lance t-elle. Trois bises.

 

        Une robe mauve à discrets motifs floraux fuchsias. Ses longs cheveux bruns aux boucles "hollywoodiennes". Des ballerines violettes. Sa taille étroite. Elle paraît toute menue sans talons. << Bonsoir. Viens, entre, enlève ta veste ! >> me dit elle en s’apprêtant à m’en débarrasser. J’apprécie cette familiarité quand elle saisit ma main pour m’entraîner à la cuisine. L’odeur achève de me mettre dans un appétit d’ogre. Je demande : << Comme s’est passée ta journée ? >>. En m’invitant à m’assoir, Laure me répond : << Sept séances aujourd’hui. Je suis épuisée ! >>. C’est une tarte qu’elle tire du four. << Brocolis à la crème avec purée d’avocat à l’Édam ! >> dit elle en posant le plat sur la planche. Une laitue en accompagnement. << Tu veux un vin ? >> demande mon amie. Je décline son offre pour préférer son eau gazeuse de la Salvétat. Ce repas est un délice. Je l’en félicite. << J’ai préparé en vitesse, entre midi et deux. Une recette de ma maman ! >> précise t-elle. Je raconte ma journée. La confection d’un beau trou dans un lieu magique.

 

        Riant aux éclats, Laure s’exclame : << N’en dit pas plus, ce sera l’objet de ta séance de lundi prochain, quatorze heures ! >>. Je me mets à rire avec elle. Je raconte les cueilleurs de champignons rencontrés. La laie et ses trois petits marcassins aperçus au détour d’un chemin. << Dimanche après-midi, s’il fait beau, tu m’emmènes pour me montrer. Je n’ai rien au programme ! >> rajoute la jeune femme. Je montre les deux photos prises après la réalisation de mes créations murales. Laure a toujours beaucoup de mal à conserver un semblant de sérieux quand j’évoque mes réalisations. Pour son regard de psychothérapeute, cela relève d’une pathologie qu‘elle se fait le devoir d’éclaircir. Laure m’avoue ne pas pouvoir rester avec le sentiment de méconnaissance de ce mystère non résolu encore très longtemps. Nous en rigolons comme des bossus. Quel est donc ce besoin de faire des trous ? J’ai beau expliquer que c’est purement libidineux, en phase avec ce fantasme récurrent du Gloryhole, rien n’y fait. Pour elle cela reflète d’autres traits de caractères psychanalytiques. Si pas psychotiques…

 

        Nous parlons des vacances de fin d’année. La location de son appartement dans un chalet à Chamonix. Je vois les étincelles s’allumer et briller dans ses yeux quand elle aborde le sujet. J’insiste pour faire la vaisselle avec elle. C’est convivial et complémentaire aux bons moments d’un succulent repas. Nous prenons le dessert au salon. Je retrouve avec joie ses plantes vertes partout, ses étagères pleines de livres. La luminosité de la pièce. Je suis vautré dans le canapé. Laure installée dans le fauteuil. Sur la table basse qui nous sépare, des tasses de thé fumantes. Des tranches de tartes aux poires. << Ce sont des poires du verger de mes parents ! >> précise la jeune femme. Qu’il est agréable d’échanger des souvenirs de nos vacances personnelles. Laure pose énormément de questions sur mon Écosse natale. << Quand j’aurai pris ma décision, en été, je ferai appel à toi. Tu me feras un itinéraire des choses à voir et à découvrir. Sur trois semaines. Je pense louer un camping car ! >>. Je réponds : << Je me ferai un plaisir de faire le “Tour operator“. Je te ferai ça aux petits oignons ! >>

 

        Au fil des conversations, mon attention est attirée par ses genoux, puis par ses cuisses. Est-ce une volonté délibérée ? Est-ce le hasard de mouvements naturels ? Toujours est-il qu’il m’arrive d’apercevoir le coton noir de sa culotte quand elle croise ou décroise ses jambes. C’est bref. Furtif. Mais tellement insolite. Laure ne tarde pas à se rendre compte de mes regards de plus en plus insistants. Ce qui semble beaucoup l’amuser. << Voyeur ? >> finit elle par demander. Je fais : << Est-ce la thérapeute qui pose la question ou ma délicieuse amie ? >>. Laure répond : << La thérapeute ne pose pas de question. Mais si tu préfères t’adresser à elle, ce sera lundi prochain ! >>. Nous rions. Je rajoute : << Cela ferait l’objet d’une séance. Mais c’est à la jeune femme que je réponds ce soir. Oui, voyeur, mais esthète car je déteste la vulgarité ! >>. Mon amie s’exclame : << Voyeur esthète ! Il faut m’en dire davantage ! >>. Je confie : << Oui, j’aime tout particulièrement la situation de ce soir ! >>. S’en suit un long silence. Laure me fixe de ses yeux noisettes, les doigts croisés sur ses cuisses.

 

        Soudain, alors que j’en ai le souffle coupé, la jeune femme écarte légèrement ses cuisses. Ses mains posées sur les accoudoirs. Elle reste immobile. J’ai une vue parfaite. Je demande : << Exhibitionniste ? >>. Laure répond : << À mes heures, mais également en esthète. Comme toi ! >>. Nous nous fixons longuement en gardant le silence. Un million de questions se bousculent dans ma tête. En va t-il de même pour ma complice ? Son regard intense reste impénétrable. Mon amie resserre ses cuisses. Je sais que c’est définitif pour ce soir. Je dis : << Il faudra qu’on développe ! >>. Laure se lève. Il va être vingt et une heures trente. Je me redresse. Elle rajoute : << On fera une inversion des rôles. Ce sera toi le thérapeute. Nous aborderons ce sujet ! >>. Dans le couloir, en enfilant ma veste, Laure me remercie pour cette soirée. << Je t’appelle samedi, pour te confirmer la randonnée de dimanche ! >> conclue t-elle en mettant un manteau. Elle me raccompagne jusqu’à ma voiture avant de rentrer la sienne. Nous nous faisons trois bises.

 

        Sur la route du retour, dans la nuit, je me refais le film de la soirée. Mon impatience de revoir cette étonnante jeune femme ne va faire que s’accentuer jusqu’à dimanche. Je retrouve la douceur de mes draps avec cette idée obsédante. À présent, tout comme elle, je veux en savoir davantage…

 

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11/02/2025

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